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Les premières minutes« Or donc, en ce joli mois de mai 1485 Messire le Diable dépêcha sur terre deux de ses créatures afin de désespérer les hommes... » pouvons-nous lire dans le grimoire-générique du film. Les deux créatures en question, Dominique et Gilles, ont pris l'apparence de deux ménestrels et chevauchent jusqu'au château du baron Hugues. Ils apprennent de la bouche du bourreau, qui n'ayant pas de "client" est en train de pêcher la grenouille dans les douves, que le baron va bientôt marier sa fille Anne au chevalier Renaud et qu'il a organisé un grand banquet. Anne et Renaud : deux victimes de choix en perspective... Puis Gilles ressuscite l'ours d'un saltimbanque qu'un des gardes du château vient de tuer :
Les deux ménestrels pénètrent dans le château. Le film en quelques motsLes visiteurs du soir est un des fleurons du cinéma français. Il est sorti le 5 décembre 1942, sous l'occupation, à une époque où il suffisait d'un rien pour qu'un film soit censuré. C'est pourquoi les cinéastes cherchaient une échappatoire dans le passé ou dans des pays merveilleux. Ce film offre un compromis des deux : l'action est censée se dérouler au quinzième siècle, sans que le spectateur sache où, mais il s'agit d'un pays étrange dans lequel magie et diableries sont monnaie courante. Lorsqu'on regarde ce film aujourd'hui, et c'est pour moi son charme principal, on est étonné par la sobriété des effets spéciaux. Dans cette histoire, Marcel Carné et les acteurs suggèrent le fantastique au lieu de le montrer explicitement. Comment Dominique s'y prend-elle pour arrêter le temps ? Pas d'images de synthèse ni de brèche dans l'espace-temps : elle prend simplement son luth, gratte un accord et le monde s'arrête autour d'elle. Comment reprend-elle son apparence féminine ? La caméra fait un gros plan sur ses jambes croisées, et on voit une longue robe qui tombe doucement jusqu'à les recouvrir. Comment Gilles ressuscite-t-il l'ours du saltimbanque ? Il tient la chaîne de l'animal mort dans ses mains, et soudain la chaîne se tend. On comprend alors que l'ours vient de réintégrer son collier. Système "D" (l'arme suprême des Français en ces temps difficiles) et talent des acteurs palliaient la faiblesse de la technique de l'époque, sans que le film en pâtisse. Comme quoi les millions de dollars alloués aux budgets "effets spéciaux" ne font pas toujours tout... Un autre des points forts des visiteurs du soir est sa distribution. Les acteurs de l'époque connaissaient leur métier et pouvaient quasiment tout jouer. Arletty joue à la perfection son rôle de femme fatale dont le seul but est de perdre les hommes qu'elle arrive à séduire. Marie Déa est la pureté et la gentillesse personnifiées, une sorte de dame à la licorne. Quant à Jules Berry, monstre sacré s'il en fut, il incarne un Diable plus effrayant et plus méchant que nature. Le troisième atout du film est son esthétique : la beauté des décors et des costumes, ainsi que la douceur et la poésie qui émane de chaque scène. Tout semble avoir été joué au ralenti, comme dans un rêve. Même la scène de tournoi dans laquelle Hugues tue Renaud est exempte de toute violence. Pour suggérer la mort de Renaud, point de flots d'hémoglobine mais une simple goutte de sang qui vient troubler l'eau de la fontaine dans laquelle Anne et le Diable observent la joute. On peut se demander si ce décalage par rapport à la réalité n'était pas un moyen de dépayser encore un peu plus un public qui avait tant besoin d'évasion. Imaginez : un pays dans lequel on peut manger et s'habiller à sa guise sans tickets de rationnement, un pays dans lequel on ne croise pas des soldats à chaque coin de rue, un pays dans lequel on ne fusille personne. Pour les spectateurs de 1942, il s'agissait vraiment d'un film fantastique dont l'action se déroulait dans un autre univers. Les meilleurs moments
La nanaLa lumière ou l'ombre, le bien ou le mal, Marie Déa ou Arletty ? Accordons notre préférence à Anne, ne serait-ce que pour ses yeux magnifiques et son sourire désarmant. Hélas, si les personnages qu'ils incarnent sont éternels, les acteurs ne le sont pas. La belle Marie Déa nous a quittés le 1er mars 1992. Une anecdoteDurant le tournage des scènes de banquet dans Les visiteurs du soir, les accessoiristes ont eu bien du mal à maintenir les décors en état. En effet, il était si difficile de se procurer de la nourriture à l'époque que les figurants se jetaient littéralement sur les coupes pleines de fruits lors de chaque pause. Ne jetez pas votre vieux magnétoscopeNe jetez pas votre vieux magnétoscope, il peut encore servir. Une VHS des visiteurs du soir a été publiée par René Chateau en 1989, dans la collection Mémoire du Cinéma Français. A l'époque, il arrivait également que le film soit diffusé (tard le soir) sur les chaînes Françaises. Mais depuis, il a carrément disparu de la circulation... Chaque mois, pour ne pas dire chaque semaine, je reçois un ou plusieurs mails me demandant des informations sur la réédition des visiteurs du soir en DVD. Si j'en juge par le nombre de mails, c'est de loin le film qui vous manque le plus. Malheureusement je n'en sais pas plus que vous. Pour qu'un film disparaisse ainsi, il faut soit que toutes les copies aient été détruites, soit que ces copies soient si endommagées qu'elles ne puissent pas être restaurées, soit que de complexes problèmes juridiques en bloquent la réédition. Je ne sais pas pourquoi, mais je penche pour la troisième hypothèse. Mois aussi, j'attends cette hypothétique réédition
avec impatience. Le jour où il se passera quelque-chose,
soyez certains que j'en parlerai dans les
News ainsi que dans cette page. En résumé, je vous conseille ce film si :
Vous m'avez écrit...
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