Tout ce que j'aime

Marcel Carné - Les visiteurs du soir (1942)


Home

Bichereau

Tout ce que j'aime

Les News

Quelques mots

Plan  du site

Liens

Livre d'or

Questionnaire

Mon CV

Ecrivez-moi

Imprimez cette page

 

 

Les visiteurs du soir
     

Fiche technique

Titre  

Les visiteurs du soir

Genre  

Fantastique

Année  

1942

Origine  

France

Réalisateur  

Marcel Carné

Dialogues  

Jacques Prévert
     

Distribution

Dominique Arletty
le Diable Jules Berry
Anne Marie Déa
Gilles Alain Cuny
Hugues Fernand Ledoux

Les premières minutes

« Or donc, en ce joli mois de mai 1485 Messire le Diable dépêcha sur terre deux de ses créatures afin de désespérer les hommes... » pouvons-nous lire dans le grimoire-générique du film.

Les deux créatures en question, Dominique et Gilles, ont pris l'apparence de deux ménestrels et chevauchent jusqu'au château du baron Hugues. Ils apprennent de la bouche du bourreau, qui n'ayant pas de "client" est en train de pêcher la grenouille dans les douves, que le baron va bientôt marier sa fille Anne au chevalier Renaud et qu'il a organisé un grand banquet. Anne et Renaud : deux victimes de choix en perspective...

Puis Gilles ressuscite l'ours d'un saltimbanque qu'un des gardes du château vient de tuer : 

- A quoi bon Gilles ?, lui demande Dominique.

- Ca m'amuse quand-même de faire le bien de temps en temps.

- A quoi bon Gilles ?

Les deux ménestrels pénètrent dans le château.

Le film en quelques mots

Les visiteurs du soir est un des fleurons du cinéma français. Il est sorti le 5 décembre 1942, sous l'occupation, à une époque où il suffisait d'un rien pour qu'un film soit censuré. C'est pourquoi les cinéastes cherchaient une échappatoire dans le passé ou dans des pays merveilleux. Ce film offre un compromis des deux : l'action est censée se dérouler au quinzième siècle, sans que le spectateur sache où, mais il s'agit d'un pays étrange dans lequel magie et diableries sont monnaie courante.

Lorsqu'on regarde ce film aujourd'hui, et c'est pour moi son charme principal, on est étonné par la sobriété des effets spéciaux. Dans cette histoire, Marcel Carné et les acteurs suggèrent le fantastique au lieu de le montrer explicitement. Comment Dominique s'y prend-elle pour arrêter le temps ? Pas d'images de synthèse ni de brèche dans l'espace-temps : elle prend simplement son luth, gratte un accord et le monde s'arrête autour d'elle. Comment reprend-elle son apparence féminine ? La caméra fait un gros plan sur ses jambes croisées, et on voit une longue robe qui tombe doucement jusqu'à les recouvrir. Comment Gilles ressuscite-t-il l'ours du saltimbanque ? Il tient la chaîne de l'animal mort dans ses mains, et soudain la chaîne se tend. On comprend alors que l'ours vient de réintégrer son collier. Système "D" (l'arme suprême des Français en ces temps difficiles) et talent des acteurs palliaient la faiblesse de la technique de l'époque, sans que le film en pâtisse. Comme quoi les millions de dollars alloués aux budgets "effets spéciaux" ne font pas toujours tout...

Un autre des points forts des visiteurs du soir est sa distribution. Les acteurs de l'époque connaissaient leur métier et pouvaient quasiment tout jouer. Arletty joue à la perfection son rôle de femme fatale dont le seul but est de perdre les hommes qu'elle arrive à séduire. Marie Déa est la pureté et la gentillesse personnifiées, une sorte de dame à la licorne. Quant à Jules Berry, monstre sacré s'il en fut, il incarne un Diable plus effrayant et plus méchant que nature.

Le troisième atout du film est son esthétique : la beauté des décors et des costumes, ainsi que la douceur et la poésie qui émane de chaque scène. Tout semble avoir été joué au ralenti, comme dans un rêve. Même la scène de tournoi dans laquelle Hugues tue Renaud est exempte de toute violence. Pour suggérer la mort de Renaud, point de flots d'hémoglobine mais une simple goutte de sang qui vient troubler l'eau de la fontaine dans laquelle Anne et le Diable observent la joute. On peut se demander si ce décalage par rapport à la réalité n'était pas un moyen de dépayser encore un peu plus un public qui avait tant besoin d'évasion. Imaginez : un pays dans lequel on peut manger et s'habiller à sa guise sans tickets de rationnement, un pays dans lequel on ne croise pas des soldats à chaque coin de rue, un pays dans lequel on ne fusille personne. Pour les spectateurs de 1942, il s'agissait vraiment d'un film fantastique dont l'action se déroulait dans un autre univers.

Les meilleurs moments

  • S'il est satisfait du travail de Dominique qui a réussi, en seulement quelques jours, à monter Hugues contre Renaud et à faire douter Renaud de ses sentiments pour Anne, Messire le Diable est fort mécontent de Gilles. Il décide donc de mettre un peu d'ordre sur la terre et se matérialise à la porte du château par une nuit d'orage.

Hugues lui offre l'hospitalité, et on assiste alors à la scène d'anthologie dans laquelle le Diable joue avec les flammes dans la cheminée. Puis il se met à table et, sachant que Gilles est allé retrouver Anne dans sa chambre, insiste avec la complicité de Dominique pour rencontrer la fille du baron. Hugues et Renaud vont la chercher pendant que le Diable, qui sait ce qui va arriver, se frotte les mains de contentement et est pris d'une crise de fou-rire. On assiste alors à une seconde scène d'anthologie dans laquelle le fou-rire se communique à tous les convives. Mais le Diable se lève soudain de table et les apostrophe :

Mais pourquoi riez-vous ?

Personne ne sait pourquoi, et tous se taisent un peu gênés. Le Diable leur explique alors qu'ils rient parce qu'ils savent qu'un malheur va arriver. Et il leur décrit les événements qui viennent de se produire dans la chambre d'Anne, puis pointe le doigt vers l'escalier à l'instant précis ou Gilles, encadré par deux gardes et le visage en sang, s'écroule au bas des marches.

  • Le Diable propose un marché à Anne. Il est amoureux d'elle ; aussi, si elle accepte de le suivre et de renoncer à Gilles, alors Gilles sera libre. Elle finit par accepter, et les chaînes de Gilles tombent comme par enchantement. Mais il a oublié Anne.

Le Diable demande alors à Anne de remplir ses obligations et de partir avec lui, mais elle refuse. Lorsqu'elle a accepté son marché, elle lui a menti. Le Diable est furieux : Anne semblait si pure qu'il ne s'est pas méfié, et il vient d'être trompé par la seule personne à qui il a fait confiance. Cette scène très technique repose uniquement sur le jeu de Marie Déa et de Jules Berry filmés en gros plan par les caméras. Les yeux du Diable lancent des éclairs, ceux d'Anne sont transparents comme le cristal. La bouche du Diable est déformée par un rictus de colère, celle d'Anne sourit avec béatitude. C'est encore une illustration de l'éternel combat de l'ombre contre la lumière, du mal contre le bien. Beau travail de comédie !

  • Anne est résignée. Elle se fiche de ce que le Diable pourra bien lui faire pour se venger d'elle. Mais elle lui demande une dernière faveur : la permission de se rendre une dernière fois près de la fontaine où elle a été si heureuse avec Gilles. Il accepte. Elle est assise au pied de la fontaine lorsque survient Gilles, qui se promène au hasard des chemins. Elle lui donne à boire dans ses mains, puis l'embrasse, et le miracle se produit : il retrouve la mémoire. Le Diable réalise alors qu'il vient de se faire avoir pour la seconde fois. Il entre dans une rage folle et change les deux amoureux en statue de pierre.

Il descend de cheval et s'approche d'eux pour mieux contempler son travail. Mais un bruit incongru vient troubler le silence de mort qu'il affectionne tant. Il comprend qu'il s'agit de leurs cœurs qui battent. Il les cravache pour faire cesser le vacarme, mais quel mal peut-on faire à des statues de pierre ? Cette fois il a bel et bien perdu la partie, et il ne lui reste plus qu'à retourner d'où il vient.

La nana

La lumière ou l'ombre, le bien ou le mal, Marie Déa ou Arletty ? Accordons notre préférence à Anne, ne serait-ce que pour ses yeux magnifiques et son sourire désarmant. Hélas, si les personnages qu'ils incarnent sont éternels, les acteurs ne le sont pas. La belle Marie Déa nous a quittés le 1er mars 1992.

Une anecdote

Durant le tournage des scènes de banquet dans Les visiteurs du soir, les accessoiristes ont eu bien du mal à maintenir les décors en état. En effet, il était si difficile de se procurer de la nourriture à l'époque que les figurants se jetaient littéralement sur les coupes pleines de fruits lors de chaque pause.

Ne jetez pas votre vieux magnétoscope

Ne jetez pas votre vieux magnétoscope, il peut encore servir. Une VHS des visiteurs du soir a été publiée par René Chateau en 1989, dans la collection Mémoire du Cinéma Français. A l'époque, il arrivait également que le film soit diffusé (tard le soir) sur les chaînes Françaises. Mais depuis, il a carrément disparu de la circulation...

Chaque mois, pour ne pas dire chaque semaine, je reçois un ou plusieurs mails me demandant des informations sur la réédition des visiteurs du soir en DVD. Si j'en juge par le nombre de mails, c'est de loin le film qui vous manque le plus. Malheureusement je n'en sais pas plus que vous. Pour qu'un film disparaisse ainsi, il faut soit que toutes les copies aient été détruites, soit que ces copies soient si endommagées qu'elles ne puissent pas être restaurées, soit que de complexes problèmes juridiques en bloquent la réédition. Je ne sais pas pourquoi, mais je penche pour la troisième hypothèse.

Mois aussi, j'attends cette hypothétique réédition avec impatience. Le jour où il se passera quelque-chose, soyez certains que j'en parlerai dans les News ainsi que dans cette page.

En résumé, je vous conseille ce film si :

- vous êtes amateur de grands classiques du cinéma Français
- vous aimez le cinéma fantastique et vous voulez découvrir quelque-chose de complètement différent des productions actuelles

Vous m'avez écrit...

Le 18 octobre 2003

Je suis arrivée sur votre site par hasard en effectuant une recherche sur les "visiteurs du soir" et je me suis demandée chez qui et où le navire internet m'avait fait accoster. Votre site est très amusant, la vie à la campagne aussi.

J'ai quitté la ville il y a plus d'une dizaine d'années pour un petit vilage à 25 km, mais ... la ville semble à présent se rapprocher.

Bravo encore et bonne continuation.

Une ratte des champs

Le 22 février 2006

Depuis que je suis tout petit, mon père m'a souvent parlé de ce film. Il était ado pendant l'occupation allemande. Dans votre présentation du film, vous oubliez un détail important à mon avis. Le Diable représentait également l'occupant allemand et la scène finale incarne l'esprit de résistance. C'est du moins ce que j'ai retenu de témoignages de personnes qui ont vu ce film à cette époque. Tout le monde - ou presque - avait compris le message.

Ce film a été fait au nez et à la barbe de l'occupant sans même que celui ci réalise qu'en fait il s'agissait d'un film de révolte.

Salutations,

Fabien, Strasbourg.

Site Meter
Dernière mise à jour de cette page : 02/02/2008