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Les premières minutesLe vendredi 31 août 1888, aux alentours de 4 heures du matin, des policiers transportent le corps atrocement mutilé d'une femme à la morgue de Whitechapel, un quartier pauvre de l'est de Londres. La victime, une prostituée du nom de Mary Ann Nichols, a été égorgée. Mais on découvrira un peu plus tard qu'elle a aussi été éventrée. Les journaux, à commencer par le Star, s'emparent de l'affaire et en font leurs gros titres. O'Connor, le patron du Star, ne comprend pas pourquoi son meilleur journaliste Benjamin Bates fait un tel battage sur une affaire aussi atroce : cela pourrait porter préjudice à la réputation de son journal. Bates lui répond que les quartiers est de Londres sont devenus incontrôlables, et que Scotland Yard vient de mettre Fred Abberline sur l'affaire. Il s'agit de leur meilleur inspecteur. A Scotland Yard, George Godley recherche Abberline qui doit se rendre de toute urgence à une convocation du superintendant Arnold. Un planton lui dit où se trouve actuellement son collègue et ami : il est en train de cuver son whisky dans une des cellules du sous-sol. Godley descend immédiatement le réveiller. Le superintendant Arnold demande à Abberline de prendre quelques jours de vacances... à Whitechapel. Vers 16 heures il se rend donc à Buck's Row, la ruelle sordide dans laquelle le cadavre a été découvert. Quelle n'est pas sa surprise de constater qu'un policier est en train de nettoyer les traces de sang qui maculent les pavés... Pourquoi est-il en train de détruire un indice aussi important ? Tout simplement parce que son supérieur, l'inspecteur Spratling du commissariat de Whitechapel, lui en a donné l'ordre. Pourquoi j'aime ce téléfilmL'affaire de Jack l'éventreur est à la fois une des plus horribles et des plus passionnantes affaires criminelles de tous les temps. En effet, elle possède certaines caractéristiques qui la rendent vraiment unique :
Ce téléfilm, paru en 1988, se base sur ces documents officiels et offre beaucoup plus que les précédentes adaptations. C'est une sorte de reportage dans le passé qui se situe aux antipodes d'un film tel que, par exemple, le Jack L'éventreur de Robert S Baker & Monty Berman (1958). Ici, le spectateur ne s'attache pas aux pas du tueur ; il va plutôt accompagner Abberline du début à la fin de son enquête, des taudis et des pubs les plus sordides de.Whitechapel jusqu'au bureau du premier ministre. Je trouve que le Londres de 1888 est fidèlement reconstitué. On retrouve cette société Victorienne à deux vitesses : si ces termes avaient existé à l'époque, on aurait tout à fait pu parler de fracture sociale et d'Angleterre d'en bas. A Londres en 1888, les riches assistaient aux représentations de Dr Jekyll & Mister Hyde pour s'amuser à avoir peur pendant que les pauvres, eux, avaient de bonnes raisons d'avoir vraiment peur. Dans les rues, des prostituées tremblaient pour leur vie pendant que dans les salons à la mode on comparait les méthodes de Jack l'éventreur et celles du tueur du Double assassinat dans la rue Morgue, le nouvelle d'Edgar Poe publiée en avril 1841. Splendides demeures Victoriennes, costumes chamarrés, fêtes et opulence pour certains ; taudis insalubres, loques, misère et prostitution pour d'autres. Les gamins vendeurs de journaux à la sauvette qu'on voit dans le film semblent sortir directement d'un de ces albums de photos publiés à l'époque pour alerter l'opinion publique sur la misère d'une partie de la population. Et puis il y a Michael Caine, toujours égal à lui-même, aussi à l'aise dans cette reconstitution que s'il était la réincarnation d'un contemporain de la reine Victoria. Lorsqu'il consulte sa montre de gousset ou bien lorsqu'il monte dans un fiacre, il le fait avec un tel naturel qu'on a l'impression qu'il n'a fait que cela durant toute sa vie. Le contexte de l'enquêteL'enquête s'est déroulée dans un contexte pour le moins délicat : Les problèmes de collaboration entre différents services de la police n'existent pas que dans ces films américains dans lesquels on voit un shérif furieux, parce que son enquête vient d'être confiée au FBI. En 1888 les policiers londoniens ne voyaient pas d'un très bon il Scotland Yard mettre le nez dans leurs affaires, et c'est en freinant des quatre fers qu'ils leur apportaient leur collaboration. Pour corser le tout, Londres possédait alors deux polices différentes : City Police pour la City et Metropolitan Police pour le reste de la ville. On était donc en pleine guéguerre des polices. Les quartiers est de Londres étaient une bombe prête à exploser. Les crimes de Jack l'éventreur ont tout de suite été récupérés par certains extrémistes de tous bords qui y ont vu le moyen de déclencher enfin la révolution qu'ils désiraient tant. De même, c'était le terrain idéal pour provoquer une poussée de xénophobie et de racisme. Il faut dire que les habitants des quartiers est en avaient plus qu'assez de la misère, de la crasse et de l'insécurité. A Whitechapel les crimes étaient fréquents, mais ceux de l'éventreur étaient en plus si horribles qu'ils ont été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et provoqué le début des émeutes populaires.. Dès le premier meurtre, des rumeurs ont couru concernant le petit-fils de la reine Victoria : le prince Albert Victor, Duc de Clarence. Il était soupçonné de fréquenter les cabarets et les bordels de Whitechapel, dans lesquels il se rendait sous un déguisement. Ces faits semblent véridiques, même si la suite de l'enquête l'a innocenté en prouvant, grâce à l'agenda royal, qu'il se trouvait à Balmoral au moment des crimes. On comprend donc pourquoi la tâche d'Abberline a été aussi compliquée. Qu'attendaient de lui ses supérieurs ? On a l'impression qu'ils auraient préféré un coupable rapidement arrêté, même si c'était à tort, à une longue enquête débouchant sur l'arrestation du vrai coupable. Il fallait par tous les moyens calmer rapidement la population des quartiers est et faire taire les rumeurs concernant la famille royale. C'est pourquoi la priorité des policiers du quartier consistait plus à faire disparaître toutes les traces des meurtres qu'à les étudier pour découvrir l'identité du tueur. C'est en regardant de plus près ce genre d'affaire qu'on réalise à quel point la tâche des médecins-légistes était difficile au dix-neuvième siècle, et quel bond prodigieux la médecine légale a fait depuis. En 1888, on ne s'intéressait pas encore aux empreintes digitales. Le summum de la technique de l'époque consistait à photographier... la rétine des victimes au cas où l'image de leur assassin y serait restée imprimée. Quand on pense à des affaires récentes, au cours desquelles le coupable a été découvert grâce à un grain de pollen ou à un peu de boue collée à ses semelles, on croit rêver. Les victimesDurant les quelques mois pendant lesquels il a sévi Jack l'éventreur a fait cinq victimes :
Ce sont ses victimes "officielles". D'autres sources d'information créditent Jack l'éventreur de beaucoup plus de victimes, parfois une vingtaine. Mais pour les enquêteurs de l'époque, les meurtres antérieurs au 31 août et postérieurs au 9 novembre 1888 ont été commis par d'autres assassins. Le raisonnement d'AbberlineDès le début de son enquête, Frederick Abberline réalise qu'il ne s'attaque pas à un criminel ordinaire. Tout d'abord, il a l'impression que ses supérieurs sont parfois au courant des meurtres avant lui. Lorsqu'il se précipite sur les lieux d'un crime, ils sont parfois déjà là et ils se sont empressés de donner des ordres pour faire disparaître les indices. Ensuite, il arrive progressivement à la conclusion qu'il n'y a pas un mais deux assassins, et qu'ils travaillent en équipe. En effet, si on regroupe tous les témoignages récoltés à Whitechapel on obtient deux descriptions totalement différentes de l'inconnu qui pourrait être Jack l'éventreur. L'une d'elle correspond à un homme jeune, l'autre à un homme plus âgé. Pour finir, il acquiert la quasi-certitude que les assassins appartiennent à un milieu aisé. En effet, comment peut-on passer inaperçu dans une foule lorsqu'on est couvert de sang ? La seule méthode consiste à se débarrasser de ses vêtements après chaque meurtre. Mais encore faut-il en avoir les moyens... Comment peut-on assassiner et mutiler deux personnes à deux endroits différents, et à quelques minutes d'intervalle seulement ? Pas en marchant car la distance est trop grande, ni en courant car le bruit attirerait l'attention. Il faut donc que les assassins se déplacent dans une voiture, ce qui expliquerait d'ailleurs la faible quantité de sang trouvée près des corps. Pour Abberline, les victimes sont attirées à l'intérieur de la voiture, assassinées et mutilées dans la voiture, puis abandonnées discrètement dans des endroits tranquilles. Mais comment cette voiture peut-elle passer au travers des barrages de police ? Probablement grâce au meilleur des laisser-passer : des armoiries royales sur ses portières. Alors, qui était Jack l'éventreur ?Pour les scénaristes du téléfilm, Jack l'éventreur n'était autre que Sir William Gull, le chirurgien de la reine qui avait perdu la raison. Il agissait avec la complicité de John Netley, un cocher un peu simple d'esprit qui travaillait aux écuries royales. Abberline arrêta Netley qui, en échange d'une grâce royale qui le sauvait de la potence, accepta de tendre un piège à Gull. Mais une fois Gull arrêté, Sir Charles Warren le chef de Scotland Yard a décidé d'étouffer l'affaire et a ordonné à Abberline de garder le silence. Abberline a ensuite expliqué à Dodley que les pièces compromettantes allaient bientôt commencer à disparaître du dossier, et que l'affaire Jack l'éventreur ne serait jamais officiellement élucidée. La dernière séquence confirme d'ailleurs que le scénario du téléfilm a été construit sur l'hypothèse la plus plausible et non pas sur une certitude. Le mystère reste donc entier... Il est d'ailleurs dommage, et c'est le seul reproche que je ferai à ce téléfilm, que cette fameuse séquence soit la toute dernière. Il aurait été préférable de faire une pause dans l'histoire, et d'insérer cette séquence au moment où on passe des faits contenus dans les archives du Yard aux suppositions des scénaristes. Ainsi le spectateur saurait jusqu'où ce qu'il est en train de regarder est véridique. Quelle est l'importance de la partie inventée par les scénaristes, les 5 dernières minutes ou bien la moitié du film ? On ne dispose d'aucun élément pour le deviner... Néanmoins, cette hypothèse n'est pas inintéressante. En effet, elle pourrait tout à fait être la version "politiquement correcte" de celle formulée en 1976 par le journaliste Stephen Knight dans son ouvrage Jack the Ripper, the final solution. Pour lui aussi, Jack l'éventreur était Sir William Gull, et John Netley était son complice. Mais leur mobile était différent : il ne s'agissait pas de démence, mais de raison d'état... Voici l'histoire en quelques mots : En 1884, le prince Albert Victor prend des cours de dessin auprès du peintre Walter Sickert. Durant une séance de pose il rencontre Annie Crook, un modèle dont il tombe amoureux. Il l'épouse secrètement et, en avril 1885, Annie donne naissance à une petite Alice. L'enfant est mise en nourrice chez une voisine : Mary Jane Kelly. Mise au courant, la reine demande à son chirurgien de déclarer Annie Crook folle et de la faire interner dans un asile. Quant à la petite Alice, elle sera élevée par Walter Sickert. Mais en 1888 Mary Jane Kelly, que les aléas de l'existence ont fait sombrer dans la prostitution, raconte toute l'histoire à trois de ses consurs : Marie Ann Nichols, Annie Chapman et Elizabeth Stride. Les quatre femmes ont-elles voulu faire chanter la famille royale pour se faire un peu d'argent ? En tout cas, on décide en haut lieu de les éliminer. La sale besogne sera confiée à Sir WIlliam Gull, John Netley (le cocher du prince Albert Victor) et à Walter Sickert. Pour brouiller les pistes, les meurtres devront être maquillés en crimes de sadique. Cette hypothèse explique donc le décès de Marie Ann Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride et Mary Jane Kelly. Catherine Eddowes aurait par contre été tuée par erreur... Selon Stephen Knight, cette histoire a été racontée par Walter Sickert en personne à son fils en 1942, alors qu'il était mourant. Cette version est-elle exacte ou non ? A défaut de donner une réponse, on peut au moins formuler ce commentaire : si Jack l'éventreur avait été une personne ordinaire, comme vous et moi, son identité aurait été immédiatement dévoilée au public. Si vous désirez en savoir plus sur cette hypothèse, recherchez tout simplement le chaîne de caractères «Annie Crook» dans votre moteur de recherche préféré, et vous pourrez consulter des dizaines de sites qui la confirment ou non. Liens
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