Aqualung
Martin Barre nous balance un riff de guitare, et Ian Anderson
nous raconte l'histoire d'Aqualung, un clochard au nez morveux,
couvert de guenilles, qui mate les petites filles qui passent
près du banc sur lequel il est vautré. Mais Ian
Anderson le voit d'un autre oeil. Pour lui il s'agit avant tout
d'un pauvre vieux bougre transi de froid, qui a mal aux jambes
lorsqu'il se baisse pour ramasser un mégot sur le trottoir,
et dont la respiration siffle aussi fort que le détendeur
d'un plongeur sous-marin.
Aqualung est une bonne introduction à la musique
de Jethro Tull. La voix moyenâgeuse de Ian Anderson est
là, ainsi que le contraste entre guitares électriques
saturées et guitares acoustiques cristallines.
Up to me
Cette chanson raconte une tranche de vie résumée
en quelques flashes : une soirée au cinéma qui
tombe à l'eau, une scène de ménage chez
le cousin Jack qui veut s'interposer et qui laisse ses lunettes
dans la bagarre, une vieille Rolls Silver Cloud pour aller se
promener.
Up to me est un des plus beaux morceaux de l'album.
La mélodie est magnifique et les parties de guitare acoustique
sont superbes.
Wind Up
Le dernier morceau du disque est autobiographique. Dès
l'enfance Ian Anderson se révolte contre les valeurs qu'on
veut lui inculquer à l'école. Il ne croit pas ses
professeurs. Ils ont tout faux, et il le clame bien fort.
Jethro Tull n'est pas un groupe facile à cataloguer
: dans les encyclopédies du rock on a l'habitude de le
classer parmi les groupes de rock progressif, mais on peut constater
ici à quel point sa musique plonge profondément
ses racines dans le folk anglais. De plus, les parties de flûte
et de claviers ont souvent des consonances jazzy et bluesy. Toutes
ces influences font de Jethro Tull un groupe unique.
Lorsque j'ai écouté Aqualung pour la
première fois, c'est surtout la musique que j'ai appréciée.
La face A du 33 tours laisse plutôt la part belle aux guitares
tandis que le piano domine la face B, mais les deux faces ont
en commun de superbes mélodies et un son d'enfer. Et Ian
Anderson est un sacré chanteur, aussi à l'aise
sur des ballades que sur des morceaux plus violents.
Par la suite j'ai commencé à m'intéresser
aux textes des chansons et j'ai découvert que Ian Anderson
est un peu à Londres ce que Lou Reed est à New
York : un poète qui jette un regard parfois tendre et
parfois impitoyable sur sa ville. Des Aqualung, écroulés
sous des portes cochères mal éclairées,
on peut en voir des dizaines autour de Piccadilly Circus dès
qu'on s'éloigne de quelques pas des lumières des
restaurants et des pubs.
Le thème de ce concept album est la religion dans notre
société, cette religion qui n'a que l'armée
du salut et une tasse de thé à offrir aux exclus.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce thème est toujours
d'actualité...