Arnold Layne / Candy And The Currant Bun
Commençons par le commencement... Voici le premier
single du Floyd, paru le 11 mars 1967.
Arnold Layne raconte l'histoire d'un type un peu cinglé
que sa coupable passion pour les fringues entraîne tout
droit en prison. Un peu psychopathe, le gars Arnold... Comme
tout ceci n'est pas très clair, et qu'Arnold a tendance
à voir des trucs louches dans son grand miroir, certaines
stations de radio décidèrent de ne pas programmer
ce titre. On s'en fiche : il est malgré tout
entré dans les hit parades dès le mois suivant.
Candy And The Currant Bun est un peu
le morceau type du rock psychédélique anglais.
Pour ne citer qu'un seul exemple : comparez les churs
de We love you des Stones avec ceux de cette chanson.
Etonnant... Avec le recul, je me demande même si cette
face B de 45 tours n'est pas meilleure que la face A
See Emily Play / Scarecrow
Voici le second single du groupe, paru le 16 juin 1967.
Si cela est possible, See Emily Play possède
des paroles encore plus tordues que celles d'Arnold Layne...
Syd Barrett semblait aimer les personnages complètement
décalés, et cette dame qui pleure à la nuit
tombée ne fait pas exception à la règle.
Scarecrow est un étrange morceau à trois
temps, une valse psychédélique rythmée par
la guitare allumée de Syd Barrett et les claviers hypnotiques
de Richard Wright. C'est l'histoire d'un épouvantail dans
un champ d'orge. Là aussi, je crois que je préfère
la face B de 45 tours à la face A.
Apples And Oranges / Paintbox
Pour finir voici le troisième single, paru le 18 novembre
1967.
Apples And Oranges est encore un portrait. Cette fois,
il s'agit d'une jeune fille en fugue qui fait du shopping et
qui fait craquer un chauffeur de poids lourd.
Paintbox raconte une tranche de vie, vue à travers
les brumes d'un lendemain de cuite (seulement de cuite ?), et
en l'écoutant on ne peut pas s'empêcher de penser
à A day in the life des Beatles qui traite du même
sujet.
Dans ce mini CD se trouve tout simplement la quintessence
du rock psychédélique anglais. Ces six morceaux
sont superbes, et pour fêter dignement leur trentième
anniversaire ils ont été superbement remastérisés.
Sauf erreur ou omission de ma part, ils n'étaient disponibles
jusqu'à présent dans leur intégralité
que sur la compilation Masters of rock (dont j'ai d'ailleurs
usé un exemplaire jusqu'à la corde lorsque j'étais
adolescent), parue en 1973 et épuisée depuis belle
lurette.
En seulement une demi-douzaine de morceaux, Pink Floyd a fixé
les normes d'un genre musical assez différent de son cousin
américain. La structure des morceaux y est la même
(couplet, improvisation qu'on peut faire durer à l'infini
lorsque le morceau est interprété en public, couplet
puis conclusion), les sons saturés, les ambiances oniriques
et les emprunts à la musique indienne aussi, mais les
influences classiques y sont beaucoup plus présentes au
niveau des mélodies et des harmonies. Est-ce parce que
la scène underground londonienne ne fonctionnait pas au
même carburant que celle de San Francisco ou bien parce
que les Art Schools avaient réussi à inculquer
(au moins) quelques rudiments de théorie musicale à
ces jeunes musiciens ? En tout cas le résultat est
là.
De plus, et c'est encore plus flagrant aujourd'hui, lorsqu'on
écoute ces morceaux avec le recul que procure la trentaine
d'années qui s'est écoulée depuis leur parution,
le rock psychédélique anglais était beaucoup
plus cool que son homologue californien. Le Jefferson Airplane,
le Grateful Dead entraînaient parfois leur public dans
des abîmes musicales (Dark Star, Spayre Change)
dans lesquelles tout pouvait arriver tandis que le monde du Pink
Floyd ou de Donovan semblait peuplé tout au plus de fées
ou de lutins. Rien de bien méchant. Là encore,
on peut se poser la question : autre carburant ou bien
autre culture ?
Je pense sincèrement que ces singles sont importants.
En effet ils ont été le pont entre la Pop music
anglaise de 1967 et le psychédélisme. Là
où certains musiciens se contentaient de lorgner avec
intérêt du côté de la baie de San Francisco,
d'aller éventuellement y puiser quelques sonorités
nouvelles pour ajouter un peu de couleur à leur Pop songs,
le Pink Floyd (période Syd Barrett) a réussi à
attirer des milliers de spectateurs dans de gigantesques happenings
puis à leur faire plébisciter cette musique. A
coups de single, ils ont tracé le chemin dans lequel tous
les groupes anglais se sont engouffrés derrière
eux. Sans ces morceaux, une bonne partie des disques de la fin
des sixties qui se trouvent dans ma discothèque (et probablement
aussi dans la votre) serait très différente, voire
ne serait jamais parue.