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Close to the edge
I. The solid
time of change
II. Total mass
retain
III. I get up
I get down
IV. Seasons of
man |
Anderson/Howe |
And you and I
I. Cord of life
II. Eclipse (Squire-Bruford)
III. The preacher
the teacher
IV. Apocalypse |
Anderson
Themes by Bruford,
Howe & Squire |
Siberian Khatru |
Anderson
Themes by Anderson,
Howe & Wakeman |
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Chronologie
Close to the Edge est paru en octobre 1972, après
Fragile (janvier 1972) et avant l'album live Yessongs
(mai 1973).
Les morceaux
Puisque Close to the Edge ne comporte que trois morceaux,
pourquoi ne pas les passer tous en revue ?
Close to the Edge
Le premier morceau occupait toute la face A du 33 tours. Il
s'agit d'une longue pièce en quatre parties, d'une sorte
de voyage initiatique dont on était censé ressortir
transformé. Et oui : on attendait beaucoup de
la musique dans les seventies...
The solid time of change s'ouvre doucement sur le bruit
d'une source et des chants d'oiseaux. Mais ce climat bucolique
ne va pas durer. Rapidement, tout bascule et les musiciens se
lancent dans une longue improvisation à la limite de la
cacophonie. Nous sommes en route vers un autre univers dont seule
la basse de Chris Squire semble connaître le chemin. Alors,
suivons-la. Après quelques minutes de tourmente tout redevient
calme et Steve Howe interprète le thème principal
à la guitare, accompagné par l'orgue de Rick Wakeman,
et ce sont alors 50 secondes de pur bonheur. Il m'est parfois
arrivé d'écouter Close to the Edge rien
que pour cet instant magique.
Cette fois, on dirait que nous sommes arrivés. Mais
au fait, où sommes-nous ? Jon Anderson nous répond
que nous nous trouvons...
Là-bas, au coin
Pas très loin
Au bord d'une rivière
Il enchaîne ensuite sur Total mass retain qui
se termine par la reprise du thème par Rick Wakeman à
l'orgue. La musique commence à faire effet et nous commençons
à planer, mais visiblement nous ne sommes pas les seuls
car John nous avoue qu'il a l'impression de...
monter et descendre
Sur I get up I get down l'ambiance est totalement onirique
et on ne peut qu'écouter et se laisser flotter dans l'air.
Sans nous en rendre compte, nous avons probablement marché
(flotté ?) jusqu'à une grotte car de l'eau
coule, goutte à goutte, des stalactites du plafond. C'est
le moment du morceau de bravoure de Rick Wakeman : un
long solo d'orgue, baroque et torturé, tel que ceux que
le capitaine Nemo jouait dans son Nautilus et qui se termine
encore une fois par une reprise du thème, mais cette fois
au synthé.
Nous sommes arrivés au terme de ce voyage, et sur Seasons
of man John nous explique que désormais...
Les saisons passeront sur toi
Maintenant que tout est fini
Maintenant que tu as trouvé, maintenant que tu es complet
Les saisons passeront sur toi
Bigre ! La musique de Yes posséderait-elle
la vertu de rendre immortel ? Dans le doute, je vais me dépêcher
de repasser le disque... Blague à part, avec sa complexité
et ses paroles ésotériques, Close to the Edge
est l'archétype de la musique qui faisait hurler de rage
les punks à la fin des années 70. Je me souviens
des critiques pour le moins véhémentes échangées
dans la cour de récré :
Yes ? Mais c'est pas du rock : chacun
joue son truc dans son coin, et puis on comprend rien aux paroles.
Et les fans du groupe, apparemment pas encore tout à
fait remis de leur dernière écoute, entrouvraient
péniblement un oeil et parvenaient difficilement à
articuler :
Yes, c'est le plus beau groupe.
Et, puisque tout était dit, il refermaient les yeux
et on ne les entendait plus jusqu'à la prochaine attaque
contre leur groupe favori.
And you and I
Le plus beau morceau de cet album est tout simplement construit
sur quelques accords de guitare 12 cordes. Comme quoi, on peut
jouer du rock progressif et rester simple.
Quelques harmoniques et le groupe attaque Cord of life.
Malgré leur (relative) simplicité, la grille d'accords
et la mélodie sont à tomber. Les musiciens de rock
progressif interprètent rarement des morceaux aussi joyeux,
et Jon Anderson nous prouve qu'il possède une des plus
belles voix du rock. Quant aux paroles :
Et toi et moi escaladerons les océans jusqu'à
la vallée
OK, parlons d'autre chose... Voici une nappe de synthés,
puis un superbe solo de guitare (mais où va-t-il chercher
toutes ces notes ?) et enfin Eclipse qui clôt
la première partie du morceau.
Mais ne croyez-pas que vous allez vous en tirer aussi facilement : And
you and I n'est pas encore terminé et Yes repart de
plus belle. Après quelques autres harmoniques, The
Preacher the Teacher commence par une superbe partie de flat
picking. Le jeu de Stewe Howe est précis, nerveux, et
avec un tel accompagnement Jon Anderson se sent pousser des ailes.
Rick Wakeman, lui aussi d'humeur guillerette, joue des trilles
sur son synthé. Il s'agit d'un autre grand moment du disque
(et aussi des concerts de Yes).
Hélas les meilleures choses ont une fin. Voici donc
Apocalypse qui termine le morceau en beauté sur
quelques chouettes arpèges de guitare.
Siberian Khatru
Le dernier morceau est plus proche de la musique des autres
groupes de rock progressif. J'ai l'impression d'y retrouver certaines
des influences présentes sur les premiers albums de Yes,
entre autre celle de Nice dans les parties de claviers.
Sur Siberian Khatru, comme c'était le cas sur
les précédents albums du groupe, l'accent est plutôt
mis sur la virtuosité de chacun des musiciens que sur
la volonté de créer quelque-chose en commun. Or,
c'est surtout cette synergie qui fait aujourd'hui la différence
entre la musique de Yes et celle de ses "concurrents".
Donc, Steve Howe esquisse quelques notes de sitar (trop peu à
mon goût, il faudra attendre To be over sur l'album
Relayer en 1974 pour apprécier pleinement ce dont
il est capable avec cet instrument), Rick Wakeman lui répond
par quelques mesures de clavecin. Steve Howe balance ensuite
des rafales de guitare électrique. Avec le recul, tout
ceci ressemble fort à une partie de bras de fer entre
musiciens surdoués.
Il s'agit du morceau le plus rock de l'album, et il se termine
par un solo de guitare qui est malheureusement shunté
dès que Steve Howe commence à se lâcher.
Dommage... Au fait, savez-vous ce qu'est un Khatru ? A l'époque,
un de mes profs qui était aussi déconneur que ses
élèves affirmait que c'était un véhicule
tout terrain... à kathru motrices. La crise !
Pourquoi j'aime ce disque
Close to the Edge est à mon avis le plus bel
album de Yes. Il semble que cette opinion ne soit pas partagée
par tous et que beaucoup de fans lui préfèrent
Tales from Topographic Ocean qui est un double album.
Mais, justement à cause de cette durée, je trouve
que Tales from Topographic Ocean contient quelques longueurs.
Au contraire, Close to the Edge est comme un bon repas : on
se lève de table en ayant encore un peu faim. Si j'en
avais l'occasion, je reprendrais bien un peu de dessert (quelques
mesures supplémentaires du solo qui conclut le dernier
morceau).
Sur Close to the Edge, Yes est au sommet de son art.
Il a réussi à transcender ses influences pour créer
sa musique : une oeuvre personnelle,
dense et cohérente, bourrée de magnifiques mélodies
et de parties instrumentales époustouflantes. A partir
de là, leur musique deviendra aisément reconnaissable
et en l'écoutant on ne dira plus « C'est
du rock progressif ! », mais « C'est
Yes ! ». De plus, et on peut le vérifier
en écoutant Yessongs sur lequel on retrouve des
versions live de tout Close to the Edge, ces lascars étaient
capables d'interpréter ces morceaux à
l'identique en concert.
Mais je m'aperçois que je n'ai même pas parlé
de Bill Bruford. Il est vrai qu'il est si omniprésent
d'un bout à l'autre de l'album qu'on finit par oublier
sa présence. Comme il le fera quelques années plus
tard avec King Crimsom (album Red
en 1974), il porte ici ses camarades à bout de bras, passant
sans à-coups des rythmes les plus doux aux plus violents,
et capable de soutenir un tempo d'enfer pendant plusieurs minutes
sans faiblir. Si ce n'est pas ça un grand batteur...
Je n'avais pas écouté Close to the Edge
depuis plusieurs années, et lorsque je l'ai reposé
sur ma platine pour préparer cette page je me suis aperçu
que je n'en avais pas oublié la moindre note. Qui plus
est, j'ai eu ensuite envie de l'emmener avec moi dans le train
et je l'ai écouté en boucle sur mon baladeur pendant
toute une semaine. A l'écoute de cet album, certains se
poseront probablement la question qu'on se posait déjà
il y a 30 ans : s'agit-il ou non de rock ? Des
musiciens qui, à la fin des années 60, possèdent
une solide culture musicale (Rick Wakeman a été
élève du conservatoire royal de musique) et qui
n'ont pas envie de jouer seulement les 3 accords habituels sont-ils
encore des rockers ? Je crois que la réponse à
cette question se trouve dans les applaudissements du public
qui assistait à leur concerts.
Souvenirs, souvenirs...
Le mot de la fin de cette histoire ne peut revenir qu'à
ce type qui, lorsque j'étais au bahut, emmenait rarement
ses livres et ses cahiers mais n'oubliait jamais de prendre sa
12 cordes. Lorsque nous n'avions pas envie de bosser (ce qui
nous arrivait assez fréquemment), nous allions le retrouver
au foyer (il y passait ses journées, séchant probablement
tous les cours) et invariablement nous le trouvions en train
de jouer And you and I de Yes, Stairway to heaven
de Led Zeppelin ou bien Entangled de Genesis. Parfois,
à notre demande, il acceptait de changer de répertoire
et de jouer A day in the life des Beatles, Angie
des Stones ou Tommy can you hear me ? des Who, mais
sans jamais oublier de préciser que...
Yes, c'est le plus beau groupe.
Et lorsque le surveillant général, attiré
par le bruit de ce concert improvisé, ouvrait la porte
du foyer, il terminait le morceau qu'il était en train
de jouer, se levait, rangeait tranquillement sa guitare dans
sa housse et nous répétait une dernière
fois pour conclure cet intermède musical :
Je vous l'avais bien dit : Yes, c'est le plus
beau groupe.
Pour finir, il était ensuite cordialement invité
par le surveillant général à passer prendre
sa feuille de colle dans le bureau du censeur.
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