Qu'il s'agisse de la musique ou bien des paroles, Stairway
to Heaven est très certainement une des plus belles
chansons qui aient jamais été écrites. De
plus, le sujet évoqué est toujours d'actualité
: des gens qui, comme la lady de la chanson, considèrent
qu'être heureux est uniquement un problème d'ordre
matériel, et qui ignorent les aspects spirituels de leur
vie.
Aujourd'hui, plus de trente ans après la sortie de
Led Zeppelin IV, c'est même devenu un véritable
phénomène de société. New Age, méthodes
de relaxation, religions exotiques, voire pire... : on est prêt
à nous vendre tout et n'importe quoi en nous promettant
la paix de l'esprit, et on voit bien que ça ne fonctionne
pas et que les gens sont de plus en plus mal dans leur peau.
Traduction
Essai d'explication

Traduction
L'escalier du Ciel
(Jimmy Page & Robert Plant)
Il est une Lady qui est certaine que tout ce qui brille
est en or.
Et elle est s'achète un escalier pour aller au ciel.
Quand elle y sera, elle sait que même si tout est fermé
D'un seul mot elle obtiendra ce qu'elle est venue y chercher.
Il y a un signe sur le mur, mais elle voudrait être
sûre.
Car vous savez, les mots ont parfois un double sens.
Dans un arbre, près du ruisseau, il y a un oiseau qui
chante.
Parfois toutes nos pensées sont remplies de doute.
Je ressens quelque-chose lorsque je regarde vers l'ouest
Et mon esprit cherche désespérément à
s'évader.
Dans mes rêves j'ai vu des ronds de fumée à
travers les arbres,
Et les voix de ceux qui regardent sans rien faire.
Et on murmure que bientôt, lorsque nous chanterons
tous le même air,
Le joueur de flûte nous guidera vers la raison.
Et ce sera l'aube d'un nouveau jour pour ceux qui seront là.
Et des éclats de rire résonneront dans les forêts.
Je me pose des questions...
S'il y a du chahut dans ta haie ne sois pas inquiète,
Ce n'est que le ménage de printemps pour la Reine de mai
Oui il y a deux chemins possibles, mais en fin de compte
Il est encore temps de changer de route.
Ta tête bourdonne et ça ne cessera pas, au
cas ou tu l'ignorerais,
Le joueur de flûte t'appelle pour que tu le rejoignes.
Chère Lady, n'entends-tu pas le vent qui souffle, et savais-tu
Que ton escalier s'appuie sur les murmures du vent.
Et, alors que nous serpentons sur la route,
Nos ombres plus grandes que notre âme,
Une lady que nous connaissons tous marche aussi,
Qui brille d'une lumière blanche et qui veut montrer
Comment tout se transforme encore en or.
Et si tu écoutes très attentivement,
A la fin l'air te parviendra,
Quand tous ne feront qu'un et qu'un sera tous,
Pour être un roc et ne pas rouler.
Et elle s'achète un escalier pour aller au ciel. |
Essai d'explication
Le moins qu'on puisse dire, c'est que Stairway to Heaven
est un texte ardu... Il est bourré de symboles provenant
en droite ligne de la vieille tradition, c'est à dire
du paganisme occidental. Voici mon explication de ce texte :
je n'affirme pas détenir la vérité sur un
sujet aussi complexe, mais c'est ainsi que je comprend ces paroles.
Stairway to Heaven raconte l'histoire d'une lady qui
nous ressemble étrangement. On dirait qu'elle possède
tous nos défauts. Elle est matérialiste, superficielle
et trop sûre d'elle. Pour elle, tout ce
qui brille est en or. Au fil des années son argent
lui a permis de s'acheter des certitudes, en l'occurrence de
se construire un escalier qui (du moins
le croit-elle) lui permettra d'aller au ciel.
Tout comme nous elle ignore les signes sur
les murs, c'est à dire les indices qui pourraient
remettre en question ses certitudes. Nous ne croyons qu'en ce
à quoi nous voulons croire, et seulement lorsque nous
sommes en présence de preuves concrètes. Et pourtant,
ce petit oiseau qui chante près du ruisseau
ne cherche-t-il pas à nous dire quelque-chose ? Il faudrait
peut-être prendre le temps de l'écouter. Pour les
Celtes les oiseaux, avec leur faculté de s'envoler vers
des pays lointains et inaccessibles, étaient considérés
comme des messagers du Sid (l'autre monde). Lorsqu'ils chantaient,
ils essayaient de transmettre leur sagesse aux humains.
Souvent, en dehors du plan matériel, nous ne sommes
pas vraiment heureux. Notre esprit est insatisfait
; il voudrait partir vers d'autres horizons. Ici, cette
quête semble nous entraîner vers l'ouest,
là où les Celtes plaçaient le Sid, le pays
de l'éternelle jeunesse. Dans ses rêves, celui qui
chante la chanson voit des ronds de fumée
au-dessus des arbres et il entend des
voix. A-t-il rêvé d'une cérémonie
païenne ? On commence à deviner la suite...
L'obstacle majeur à notre bonheur est notre individualisme.
Pour être heureux, pour devenir enfin raisonnables, et
pour vivre l'aube d'une nouvelle ère de rires et de joie,
il faudrait que nous vivions tous en harmonie, que nous
chantions tous le même air. Bon sang, quelle belle
promesse électorale... On s'y croirait. Surtout qu'au
sens propre to call the tune signifie "chanter le
même air", mais qu'au sens figuré cette expression
signifie aussi "faire la loi". C'était dit dans
la chanson : les mots ont parfois un double sens.
On dirait que les fleurs des hippies avaient parfois des épines...
En tout cas, tout ceci rend le chanteur dubitatif.
Il va désormais s'efforcer de convaincre la lady de changer.
Il ne faut pas qu'elle s'alarme s'il elle ressent du
remue-ménage dans son buisson. Belle image digne
de Pierre Perret ... C'est à cause de la
venue de la Reine de mai, divinité fêtée
autrefois à Beltane, la fête du feu célébrée
dans tout le monde Celtique aux alentours du 1er mai. Et oui
: nous sommes sujets à des pulsions, nous ressentons parfois
d'étranges sensations, et ça ne sert à rien
d'essayer de les ignorer. Mais rien n'est perdu : dans la vie,
nous avons tous le choix entre plusieurs chemins
et il n'est jamais trop tard pour en changer.
Visiblement, c'en est trop pour notre lady qui attrape la
migraine. En effet, l'appel devient de
plus en plus pressant. Ne prend-elle pas conscience du
vent qui souffle à ses oreilles ? En Occident,
le vent était autrefois considéré comme
le véhicule de la connaissance, transmise de bouche à
oreille dans les civilisations de tradition orale. Pourtant son escalier, ses certitudes, a
lui aussi été bâti sur des connaissances
c'est à dire sur le souffle du vent.
Pourquoi alors refuser d'écouter cet autre appel ?
L'image suivante est à la fois très belle et
très représentative de notre époque. Nous serpentons tous sur un chemin sinueux
: notre destin. Plus qu'un chemin sinueux, on imaginait autrefois
le Wyrd comme une gigantesque toile d'araignée que les
gens parcourent en s'arrêtant sans cesse, pour choisir
quel nouveau fil ils vont suivre. Le Wyrd est une notion assez
proche du Karma des Orientaux, à la différence
près que nous pouvons influencer notre destin en choisissant
les fils que nous suivons. Sur ce chemin sinueux, notre ego est
si démesuré que notre ombre est
plus grande que notre âme. On dirait que la modestie
n'est pas notre point fort et que nous nous surestimons quelque
peu.
En écoutant attentivement, nous
pouvons nous aussi entendre cet appel. Il faut
être un roc et ne pas rouler, se faire sa propre
opinion des choses et s'y tenir, sans se laisser influencer par
les autres.
En résumé, Stairway to Heaven est une parabole
dans laquelle une lady, qui nous ressemble beaucoup, ignore les
appels pressants venus d'un lointain passé qui pourraient
la pousser à changer sa vision des choses, et à
atteindre une certaine paix intérieure en étant
un peu moins matérialiste.
Robert Plant et Jimmy Page pensaient-ils, en écrivant
cette chanson si pleine de références au paganisme
en 1971, qu'ils détenaient un remède à notre
mal-être ? Cherchaient-ils à faire réfléchir
leurs fans, à leur faire comprendre qu'ils en étaient
à peu près au même point que la lady ? Et
qui était cette fameuse lady ? Tout ceci n'est pas dit
dans la chanson...
En tout cas, à l'époque ce texte n'a pas dû
améliorer leur réputation déjà bien
sulfureuse. |