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Les premières minutesDans une fumerie, l'inspecteur Frederick Abberline allume une lampe à pétrole et se sert de sa flamme pour se préparer une pipe d'opium. Au même instant à Whitechapel, un quartier pauvre de l'Est de Londres, une prostituée est agressée par deux truands dans une ruelle sombre. McQueen et un de ses complices lui rappellent qu'elle et ses consurs lui doivent une livre chacune, le prix à payer pour bénéficier de sa "protection". Si jamais elles refusent de payer... Pourquoi j'aime ce filmLorsque j'ai créé ce site, je me suis imposé une règle : toute nouveauté, qu'il s'agisse d'un disque, d'un film ou bien d'un bouquin, ne figurerait dans mes pages qu'un an au minimum après sa parution. En procédant de la sorte, je voulais éviter les passades, les préférés qui ne tiennent pas la distance et dont on se désintéresse au bout de quelques temps. Ceci dit, les règles sont faites pour êtres changées... Le DVD de From Hell est paru fin 2002, nous ne sommes qu'en mai 2003, mais puisque je le regarde au moins une fois par mois et toujours avec autant de plaisir je crois qu'il a bien mérité une place dans cette rubrique. Alors, mettons-nous au boulot... Avec From Hell les frères Hughes s'attaquent eux aussi à l'histoire de Jack l'éventreur, mais ils nous entraînent aux antipodes d'un téléfilm tel que le Jack l'éventreur de David Wickes paru en 1988. Là où David Wickes recherchait réalisme et véracité historique, les frères Hughes ont préféré la noirceur de la BD d'Alan Moore et Eddie Campbell parue entre 1989 et 1999. Comme dans leurs deux films précédents, ils traitent de la violence dans la rue et des ghettos, mais cette fois l'action se situe dans le passé. Lorsque je regarde les premières minutes de From Hell, je ne peux pas m'empêcher de penser à Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Le film des frères Hughes est au Londres de 1888 ce que celui de Coppola est à la guerre du Viêt-Nam. Dans les deux cas les faits racontés sont globalement exacts, mais l'impression d'ensemble, le climat oppressant dans lequel baigne l'action, l'emporte sur le réalisme. Les deux films possèdent d'ailleurs à peu près le même début :
La BD d'Alan Moore et Eddie Campbell est cauchemardesque, mais l'adaptation des frères Hughes l'est encore plus. C'est à une véritable descente aux enfers qu'ils nous convient, et pour parvenir à leur but ils utilisent toutes les ficelles dont un cinéaste peut disposer : Les couleurs
Les angles de prise de vue
La bande son
La laideur des personnages
Le fantastique
Le souci du détail
Comme vous pouvez le constater, les frères Hughes ont fait tout leur possible pour nous plaire : c'est la totale. From Hell, qui tire son titre de l'entête d'une lettre écrite par l'éventreur, est une vision surréaliste du Londres de 1888. L'hypothèse retenue quant à l'identité du criminel est celle que les spécialistes appellent le complot royal. A la demande de la reine, Sir William Gull et le cocher John Netley éliminent les prostituées qui sont au courant du mariage du prince Albert Victor avec Annie Crook, une roturière catholique, et surtout de la naissance de leur fille qui pourrait un jour revendiquer le trône d'Angleterre. Pendant ce temps, la brigade spéciale de la police kidnappe Annie Crook qu'on trépane et qui finira ses jours dans un asile d'aliénés, puis place la fillette dans un orphelinat. Pour brouiller les pistes, les deux complices doivent maquiller leurs crimes pour faire croire qu'il s'agit de l'uvre d'un dément. Mais Sir William Gull fait si bien son travail qu'il finit par perdre vraiment la raison. Ceux qui s'intéressent à l'histoire de Jack l'éventreur seront sans doute surpris par la fin du film : une happy end pour Mary Kelly, et une fin beaucoup moins drôle pour Abberline. Mais encore une fois, ne perdons pas de vue qu'il s'agit de l'adaptation d'une BD. En conclusion, à cause de ses inexactitudes historiques et de ses exagérations From Hell ne remplacera jamais le Jack l'Eventreur de David Wickes dans le cur de tous ceux que cette affaire passionne. Mais je ne pense pas qu'il ait été réalisé dans ce but. Avec son climat cauchemardesque, on pourrait presque dire psychédélique, il s'agit d'un magnifique exercice de style qu'il aurait été dommage de ne pas réaliser. Mais s'agit-il au moins d'un film d'horreur ? A peine, pas plus que Apocalypse Now en tout cas, car la réalité y est si déformée qu'on est plus mal à l'aise que terrifié en le regardant. Dès les premières minutes, le spectateur sait bien qu'il est en train de cauchemarder et qu'il lui suffira de presser le bouton « STOP » de sa télécommande pour revenir à la réalité. Il n'empêche que From Hell s'adresse directement à notre inconscient avec une efficacité qui me fait penser aux meilleures nouvelles de Poe ou de Lovecraft. Lequel d'entre nous ne ressent pas un petit frisson agréable à l'idée d'un homme coiffé d'un haut de forme, tenant un sac de médecin à la main et surgissant du brouillard londonien au milieu de la nuit ? Les meilleures scènesMa scène préférée est celle du dernier crime de l'éventreur. Sir William Gull a pénétré dans la chambre sordide dans laquelle Mary Kelly dort paisiblement. Il allume des chandelles et se met au travail. Cette fois, il sait qu'il ne sera pas dérangé et qu'il aura tout le temps de réaliser son chef-d'uvre. Dans sa folie, il se croit soudain transporté dans un amphithéâtre et il explique alors à des étudiants invisibles le fonctionnement de ce cur qu'il vient de prélever, avant de le jeter dans une bouilloire. Les étudiants l'acclament, il joint ses mains ensanglantées en signe de victoire et son visage rayonne de joie. Une autre scène excellente est celle dans laquelle Sir William Gull, qui a terminé sa "mission", est jugé par ses pairs Francs-maçons. Mais le spectateur a déjà vu ses juges, tous des personnages influents (le chef de la police, un célèbre chirurgien, le conseiller de la reine), au cours du film. Il comprend alors qu'ils étaient tous au courant depuis le début et qu'ils ont fermé les yeux sur ses crimes. Et pourtant, ils font semblant de découvrir la vérité et d'en être horrifiés. En une fraction de seconde, le visage du vieux chirurgien si distingué se transforme. Son regard devient celui d'un dément, un rictus déforme ses traits. Il les apostrophe : qui sont-ils pour oser le juger ? Son art se situe au-delà de la compréhension humaine et seul le grand architecte (il lève alors les yeux au ciel) est habilité à juger ses actes. Qu'importe... Plus que condamner un criminel, ses juges veulent surtout éliminer quelqu'un qui pourrait trop parler. Il est donc rapidement reconnu coupable, trépané à la mode victorienne, et finira sa vie à l'état végétatif dans une cellule d'un asile d'aliénés. Ces deux scènes d'anthologie reposent essentiellement sur le jeu de Ian Holm, qui peut passer en un instant du personnage d'un vieux monsieur très sympathique à celui d'un affreux psychopathe. Les scènes coupées au montageLes frères Hugues n'ont pas conçu leur film comme une adaptation globale de la BD. Ils se sont inspirés des cases qu'ils trouvaient intéressantes, et se sont donc retrouvés à la fin du tournage avec une multitude de petites scènes indépendantes dont certaines n'ont pas trouvé leur place au montage. Il s'agit de scènes soit trop crues soit trop paisibles qui auraient cassé le rythme de l'action. Ils ont aussi tourné une version alternative de la mort d'Abberline. Tous ces inédits sont regroupés à la fin du premier DVD. Ce procédé est assez fréquent. La version originale de nombreux films, c'est par exemple le cas pour L'exorciste, Apocalypse Now ou Au service secret de sa majesté a subi des coupes avant de sortir en salle. Mais au bout de quelques années finit par sortir une version longue, bénéficiant d'un nouveau montage, et contenant enfin ces scènes inédites. L'ambiance du film s'en trouve parfois modifiée. Dans le cas de From Hell, une version longue accentueraient encore le climat de violence qui planait sur Whitechapel ainsi que le mal-être de ses habitants. Peut-être y aurons-nous droit un jour. Les bonusLes bonus sont si nombreux qu'ils remplissent tout un DVD. Malheureusement, ils ne sont disponibles qu'en VOST. Victim/Suspect Files
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