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Les frères Hughes - From Hell (2001)

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Fom Hell

Distribution

Frederick Abberline Johnny Depp
Mary Kelly Heather Graham
William Gull Ian Holm
John Godley Robbie Coltrane


Les premières minutes

Dans une fumerie, l'inspecteur Frederick Abberline allume une lampe à pétrole et se sert de sa flamme pour se préparer une pipe d'opium. Au même instant à Whitechapel, un quartier pauvre de l'Est de Londres, une prostituée est agressée par deux truands dans une ruelle sombre. McQueen et un de ses complices lui rappellent qu'elle et ses consœurs lui doivent une livre chacune, le prix à payer pour bénéficier de sa "protection". Si jamais elles refusent de payer...

Pourquoi j'aime ce film

Lorsque j'ai créé ce site, je me suis imposé une règle : toute nouveauté, qu'il s'agisse d'un disque, d'un film ou bien d'un bouquin, ne figurerait dans mes pages qu'un an au minimum après sa parution. En procédant de la sorte, je voulais éviter les passades, les préférés qui ne tiennent pas la distance et dont on se désintéresse au bout de quelques temps. Ceci dit, les règles sont faites pour êtres changées... Le DVD de From Hell est paru fin 2002, nous ne sommes qu'en mai 2003, mais puisque je le regarde au moins une fois par mois et toujours avec autant de plaisir je crois qu'il a bien mérité une place dans cette rubrique. Alors, mettons-nous au boulot...

Avec From Hell les frères Hughes s'attaquent eux aussi à l'histoire de Jack l'éventreur, mais ils nous entraînent aux antipodes d'un téléfilm tel que le Jack l'éventreur de David Wickes paru en 1988. Là où David Wickes recherchait réalisme et véracité historique, les frères Hughes ont préféré la noirceur de la BD d'Alan Moore et Eddie Campbell parue entre 1989 et 1999. Comme dans leurs deux films précédents, ils traitent de la violence dans la rue et des ghettos, mais cette fois l'action se situe dans le passé.

Lorsque je regarde les premières minutes de From Hell, je ne peux pas m'empêcher de penser à Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Le film des frères Hughes est au Londres de 1888 ce que celui de Coppola est à la guerre du Viêt-Nam. Dans les deux cas les faits racontés sont globalement exacts, mais l'impression d'ensemble, le climat oppressant dans lequel baigne l'action, l'emporte sur le réalisme. Les deux films possèdent d'ailleurs à peu près le même début :

  • Dans Apocalypse Now, des policiers militaires font irruption chez le capitaine Willard et le trouvent complètement défoncé. Ils lui font prendre une douche de force pour qu'il retrouve ses esprits, et dès qu'il est à peu près clean il se trouve plongé dans un Viêt-Nam de cauchemar dans lequel l'horreur n'a pas de limite.
  • Dans From Hell, le sergent Godley retrouve Abberline dans une fumerie d'opium. Il est complètement défoncé, et il lui colle une baffe pour le réveiller, puis lui plonge la tête dans une cuvette d'eau. Lorsqu'il a enfin les idées claires, Godley l'emmène à la morgue de Whitechapel où il va rapidement basculer dans l'horreur.

La BD d'Alan Moore et Eddie Campbell est cauchemardesque, mais l'adaptation des frères Hughes l'est encore plus. C'est à une véritable descente aux enfers qu'ils nous convient, et pour parvenir à leur but ils utilisent toutes les ficelles dont un cinéaste peut disposer :

Les couleurs

Vous pensez que la nuit est noire ? Les frères Hughes vont vous prouver que vous vous trompez. Dans leur film la nuit est verdâtre, presque phosphorescente, tout comme la lumière émanant des lanternes des fiacres, et elle se reflète sur les pavés mouillés des ruelles mal famées de Whitechapel. Et ne croyez pas que vous pourrez, à la faveur de l'obscurité, ignorer les horreurs commises sous vos yeux. Lorsque l'éventreur frappe, le moindre rayon lumineux s'accroche à la lame de son couteau et vous jaillit au visage tel un éclair de lumière blanche. Lorsqu'enfin le jour se lèvera, ce ne sera pas un soleil triomphant qui dissipera le fog et vous fera oublier vos frayeurs nocturnes mais une clarté bleuâtre qui pénétrera jusque dans les asiles de nuit où des centaines de malheureux sont entassés sur des bancs et attachés par des cordes pour ne pas qu'ils tombent durant leur sommeil.

Les angles de prise de vue

La caméra filme sous des angles invraisemblables. Certains plans de Londres (l'obélisque de Cléopâtre) sont sublimes. Certains plans de Sir William Gull, lorsqu'il se déplace en fiacre ou bien lorsqu'il s'explique devant ses pairs, sont à tomber. La scène du médecin légiste qui se lave les mains après une autopsie, filmée du fond de la cuvette, est vraiment originale.

La bande son

Vous croyez que la nuit est silencieuse ? Seconde erreur. Dans ces rues désertes, les sabots des chevaux et les pas de l'éventreur font un raffut du diable et résonnent à n'en plus finir. Et je ne parlerai même pas du crissement de sa lame lorsqu'elle entre en action. Au travers des brumes de l'absinthe, la cacophonie qui sort du gramophone d'Abberline ferait blanchir les cheveux de n'importe quel mélomane. Quant aux mouches qui ont élu domicile à la morgue de Whitechapel, pour bourdonner aussi fort elles doivent être aussi grosses que des rats... Un autre bruit sympa est le cliquetis de l'instrument qu'un chirurgien règle avant de "guérir" l'agressivité d'un de ses patients en le trépanant. Paradoxalement, le bruit le plus terrifiant, celui qui me ferait presque dresser les cheveux sur la tête, est celui des marchepieds métalliques qui se déplient lorsqu'on ouvre la porte d'un fiacre. On dirait le bruit que fait le couperet d'une guillotine en tombant. Mais où sont-ils allés chercher tous ça ?

La laideur des personnages

Est-il possible que tous les acteurs d'un film soient laids ? Et bien oui. Dans From Hell, à l'exception de Johnny Depp et de Heather Graham qui sont non seulement beaux mais qui respirent la bonté (le visage de Heather Graham est angélique dans certains plans), tous les autres acteurs possèdent des faciès à faire peur. La palme revient aux deux acteurs qui interprètent respectivement McQueen, le chef de la bande de truands qui "protègent" les prostituées, et Netley, le cocher aux oreilles décollées. Mais ne croyez pas que seuls les méchants sont laids : le chef de la police n'inspire pas plus confiance qu'eux. Dans un tel contexte, la présence dans un salon londonien de John Merrick, le fameux Elephant Man popularisé en 1989 par le film de David Lynch, semble tout à fait banale.

Le fantastique

Les frères Hughes ont ajouté une touche de fantastique à cette histoire basée sur des faits réels. Dans From Hell, Frederick Abberline n'est pas seulement un bon flic qui essaie de faire consciencieusement son travail : il lui arrive aussi d'avoir des visions. Lorsqu'il « chasse le dragon », pour employer l'expression en vogue à l'époque victorienne, ou bien lorsqu'il prend son apéritif favori (un verre d'absinthe additionnée de quelques gouttes de laudanum, la mixture ainsi fabriquée étant flambée avant d'être bue), il entrevoit le futur et revit certaines scènes du passé avec une lucidité accrue. Lorsqu'il reprend ensuite conscience, il est au courant des moindres détails du nouveau crime de l'éventreur et son intuition l'oriente dans la bonne direction pour faire avancer son enquête.

Le souci du détail

S'ils n'ont pas hésité à en rajouter des tonnes pour les bruits et les éclairages, les frères Hughes ont été plus que pointilleux en ce qui concerne l'aspect visuel de leur film. Les murs lépreux, les portes, les fenêtres, la position des cadavres, les blessures infligées ont été longuement étudiés à partir des archives de Scotland Yard et des articles parus dans la presse de l'époque. Le moindre détail, par exemple l'emplacement de la vitre brisée de la fenêtre de Mary Kelly ou bien la façade du pub le Ten Bells, y est tel que les habitants de Whitechapel pouvaient le voir en 1888. Chapeau !

Comme vous pouvez le constater, les frères Hughes ont fait tout leur possible pour nous plaire : c'est la totale. From Hell, qui tire son titre de l'entête d'une lettre écrite par l'éventreur, est une vision surréaliste du Londres de 1888. L'hypothèse retenue quant à l'identité du criminel est celle que les spécialistes appellent le complot royal. A la demande de la reine, Sir William Gull et le cocher John Netley éliminent les prostituées qui sont au courant du mariage du prince Albert Victor avec Annie Crook, une roturière catholique, et surtout de la naissance de leur fille qui pourrait un jour revendiquer le trône d'Angleterre. Pendant ce temps, la brigade spéciale de la police kidnappe Annie Crook qu'on trépane et qui finira ses jours dans un asile d'aliénés, puis place la fillette dans un orphelinat. Pour brouiller les pistes, les deux complices doivent maquiller leurs crimes pour faire croire qu'il s'agit de l'œuvre d'un dément. Mais Sir William Gull fait si bien son travail qu'il finit par perdre vraiment la raison. Ceux qui s'intéressent à l'histoire de Jack l'éventreur seront sans doute surpris par la fin du film : une happy end pour Mary Kelly, et une fin beaucoup moins drôle pour Abberline. Mais encore une fois, ne perdons pas de vue qu'il s'agit de l'adaptation d'une BD.

En conclusion, à cause de ses inexactitudes historiques et de ses exagérations From Hell ne remplacera jamais le Jack l'Eventreur de David Wickes dans le cœur de tous ceux que cette affaire passionne. Mais je ne pense pas qu'il ait été réalisé dans ce but. Avec son climat cauchemardesque, on pourrait presque dire psychédélique, il s'agit d'un magnifique exercice de style qu'il aurait été dommage de ne pas réaliser. Mais s'agit-il au moins d'un film d'horreur ? A peine, pas plus que Apocalypse Now en tout cas, car la réalité y est si déformée qu'on est plus mal à l'aise que terrifié en le regardant. Dès les premières minutes, le spectateur sait bien qu'il est en train de cauchemarder et qu'il lui suffira de presser le bouton « STOP » de sa télécommande pour revenir à la réalité. Il n'empêche que From Hell s'adresse directement à notre inconscient avec une efficacité qui me fait penser aux meilleures nouvelles de Poe ou de Lovecraft. Lequel d'entre nous ne ressent pas un petit frisson agréable à l'idée d'un homme coiffé d'un haut de forme, tenant un sac de médecin à la main et surgissant du brouillard londonien au milieu de la nuit ?

Les meilleures scènes

Ma scène préférée est celle du dernier crime de l'éventreur. Sir William Gull a pénétré dans la chambre sordide dans laquelle Mary Kelly dort paisiblement. Il allume des chandelles et se met au travail. Cette fois, il sait qu'il ne sera pas dérangé et qu'il aura tout le temps de réaliser son chef-d'œuvre. Dans sa folie, il se croit soudain transporté dans un amphithéâtre et il explique alors à des étudiants invisibles le fonctionnement de ce cœur qu'il vient de prélever, avant de le jeter dans une bouilloire. Les étudiants l'acclament, il joint ses mains ensanglantées en signe de victoire et son visage rayonne de joie.

Une autre scène excellente est celle dans laquelle Sir William Gull, qui a terminé sa "mission", est jugé par ses pairs Francs-maçons. Mais le spectateur a déjà vu ses juges, tous des personnages influents (le chef de la police, un célèbre chirurgien, le conseiller de la reine), au cours du film. Il comprend alors qu'ils étaient tous au courant depuis le début et qu'ils ont fermé les yeux sur ses crimes. Et pourtant, ils font semblant de découvrir la vérité et d'en être horrifiés. En une fraction de seconde, le visage du vieux chirurgien si distingué se transforme. Son regard devient celui d'un dément, un rictus déforme ses traits. Il les apostrophe : qui sont-ils pour oser le juger ? Son art se situe au-delà de la compréhension humaine et seul le grand architecte (il lève alors les yeux au ciel) est habilité à juger ses actes. Qu'importe... Plus que condamner un criminel, ses juges veulent surtout éliminer quelqu'un qui pourrait trop parler. Il est donc rapidement reconnu coupable, trépané à la mode victorienne, et finira sa vie à l'état végétatif dans une cellule d'un asile d'aliénés.

Ces deux scènes d'anthologie reposent essentiellement sur le jeu de Ian Holm, qui peut passer en un instant du personnage d'un vieux monsieur très sympathique à celui d'un affreux psychopathe.

Les scènes coupées au montage

Les frères Hugues n'ont pas conçu leur film comme une adaptation globale de la BD. Ils se sont inspirés des cases qu'ils trouvaient intéressantes, et se sont donc retrouvés à la fin du tournage avec une multitude de petites scènes indépendantes dont certaines n'ont pas trouvé leur place au montage. Il s'agit de scènes soit trop crues soit trop paisibles qui auraient cassé le rythme de l'action. Ils ont aussi tourné une version alternative de la mort d'Abberline. Tous ces inédits sont regroupés à la fin du premier DVD.

Ce procédé est assez fréquent. La version originale de nombreux films, c'est par exemple le cas pour L'exorciste, Apocalypse Now ou Au service secret de sa majesté a subi des coupes avant de sortir en salle. Mais au bout de quelques années finit par sortir une version longue, bénéficiant d'un nouveau montage, et contenant enfin ces scènes inédites. L'ambiance du film s'en trouve parfois modifiée. Dans le cas de From Hell, une version longue accentueraient encore le climat de violence qui planait sur Whitechapel ainsi que le mal-être de ses habitants. Peut-être y aurons-nous droit un jour.

Les bonus

Les bonus sont si nombreux qu'ils remplissent tout un DVD. Malheureusement, ils ne sont disponibles qu'en VOST.

Victim/Suspect Files

Ce documentaire passe en revue les pièces à partir desquels les frères Hugues ont travaillé. On y retrouve les photographies et les dessins publiés dans la presse de 1888, ainsi que les photos d'identité judiciaire. On y dresse aussi la liste, qui s'allonge d'année en année, de tous ceux qu'on suspecte d'avoir été Jack l'éventreur.

Production Design

Le second documentaire raconte l'histoire du tournage. Toute l'équipe du film s'est rendue à Prague où elle a trouvé de superbes intérieurs de style victorien mais nulle part où filmer les extérieurs, car Prague est aujourd'hui une capitale moderne dont les rues n'ont plus rien à voir avec celles d'une ville du 19ème siècle. Il a donc fallu reconstruire Whitechapel dans un champ, à 40 kilomètres de Prague, et l'opération a duré 3 mois. Mais le résultat est criant de vérité.

Graphic Novel

Comment peut-on transformer un pavé de 500 pages en un film de 2 heures ? Comment peut-on adapter un récit centré autour de l'éventreur pour en faire le récit de l'enquête d'Abberline ? Les frères Hugues nous expliquent qu'ils ont extrait de la BD son climat si particulier, sa noirceur, son "odeur", pour les restituer ensuite à l'écran. Leur From Hell est donc une œuvre distincte de celle d'Alan Moore et Eddie Campbell, mais elle n'en reste pas moins pleine de respect pour son inspiratrice.

Absinthe makes the heart grow fonder

Un documentaire sur l'absinthe dont Abberline est si friand dans le film. On y apprend que cet alcool, s'il a été le favori des artistes de la seconde moitié du 19ème siècle, inspirant par exemple les impressionnistes, avait parfois un effet si terrible sur ceux qui en abusaient qu'il a été purement et simplement interdit dans presque tous les pays au début du 20ème siècle.

Tour of the murders sites

Une visite guidée de Whitechapel. En suivant les frères Hugues dans ce dédale de ruelles pavées, le spectateur découvre les lieux dans lesquels Jack l'éventreur a perpétré ses crimes. Il s'agit bien sûr du Whitechapel reconstitué en République tchèque pour les besoins du film, et non pas du vrai quartier de Londres qui a énormément changé en un peu plus d'un siècle, mais le décor est fidèle à 95 % à l'original de 1888. Cette visite m'a fait prendre conscience d'un élément qui, même s'il est souvent spécifié dans les livres qui traitent de l'affaire, ne m'avait jamais vraiment frappé. Le périmètre dans lequel tous ces crimes ont été commis était ridiculement petit. Comment peut-on alors expliquer que Scotland Yard n'ait pas réussi à le sécuriser ?

A view from hell featurette

Ce dernier documentaire est un peu la synthèse de tous les bonus précédents. La belle Heather Graham, dans une sublime robe rouge, y invite le spectateur à avoir une vision... de l'enfer.

En ce moment...

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Dernière mise à jour de cette page : 24/05/2003

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