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The Beatles - Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (1967)

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Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band  

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
With A Little Help From My Friends
Lucy In The Sky With Diamonds
Getting Better
Fixing A Hole
She's Leaving Home
Being For The Benefit Of Mr. Kite
Within You Without You
When I'm Sixty-Four
Lovely Rita
Good Morning Good Morning
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (reprise)
A Day In The Life

Chronologie

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est paru le 1er juin 1967. Dans la discographie des Beatles, il se positionne entre Revolver (5 août 1966) et Magical Mystery Tour (8 décembre 1967).

L'enregistrement et le mixage

Le 29 août 1966, à Candlestick Parc (San Francisco), les Beatles ont donné leur dernier concert. A l'avenir, ils souhaitent se consacrer exclusivement à leurs albums. Le public attend donc leur prochain disque avec impatience : ils n'ont pas le droit à l'erreur et se doivent de faire encore mieux que Revolver. Sgt. Pepper's est au départ une idée de Paul McCartney. L'orchestre du club des cœurs solitaires du sergent Poivre, une fanfare créée dans les années quarante, vient de donner un concert et cet album en est l'enregistrement. Le ton est tout de suite donné, ce nom de groupe à rallonge fait immédiatement penser à ceux des groupes psychédéliques de la baie de San Francisco.

Les Beatles entrent en studio le 10 décembre 1966 et ils n'en ressortiront que 4 mois plus tard, le 2 avril 1967. En tout, ils auront travaillé près de 700 heures dans le studio n° 2 d'Abbey Road (et aussi au studio Regent Sound dans lequel Fixing A Hole a été enregistré). Ils ne s'accordent ensuite que 2 jours de pause et dès le 5 avril, alors que Paul McCartney est parti retrouver sa fiancée Jane Asher aux USA, George Martin, John, George et Ringo s'attaquent au mixage des nouveaux titres. Première nouveauté : au revoir les vieux disques dans lesquels chaque chanson était séparée de la suivante par un blanc de quelques secondes : ces morceaux vont s'enchaîner sans interruption.

La pochette

La pochette de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band dans sa version vinyle, est un bel objet auquel la réédition en CD ne rend pas vraiment hommage. Elle est double, ce qui était très rare à l'époque, et en couleurs.

Double page centrale
Verso de la pochette
Planche à découper
Le recto de la pochette montre une "photo de famille" prise le 15 mars 1967 à Chelsea. Les Beatles, en faisant appel aux personnages du musée de cire de Mme Tussaud, ont réuni dans un même studio tout leur panthéon personnel. Artistes, écrivains, savants, sportifs, Stuart Sutcliffe (bassiste du groupe jusqu'en 1961, décédé en avril 1962 à Hambourg), quelques parfaits inconnus et même... les Beatles version 1964 : la soixantaine de personnes qui ont contribué à faire des Beatles ce qu'ils étaient devenus en 1967 pose ici pour la postérité. Un peu d'humour : une poupée figurant au bas de la photo porte un pull sur lequel on peut lire "WELCOME TO THE ROLLING STONES". Et au premier rang, voici les Beatles version 1967. Pour la circonstance, ils ont confié à Maurice Berman (un costumier de cinéma) la conception de leurs uniformes. Il s'est inspiré des vieux uniformes édouardiens portés par de nombreux musiciens de la seconde moitié des sixties, tels ceux de Cream ou de Manfred Mann, mais il les a coupés dans des tissus de couleurs vives : vert pour John, rose indien pour Ringo, bleu pour Paul et rouge pour George. Ces couleurs flashantes font contraste avec les couleurs plus ternes des vêtements des effigies de cire.

La double page centrale contient une grande photo des Beatles.

Le verso de la pochette contient une photo du groupe ainsi que, seconde nouveauté, les paroles des chansons.

De plus, à l'intérieur de la pochette, le 33 tours est accompagné d'une planche cartonnée dans laquelle on peut découper :

    • la moustache du sergent Pepper
    • une carte postale du sergent Pepper
    • les galons du sergent Pepper
    • deux badges
    • une silhouette des Beatles dans leurs uniformes édouardiens

Cette pochette a du étonner pas mal de monde lors de la sortie de l'album. On venait de réaliser que la pochette d'un disque est une chose importante et la voie était désormais ouverte à toutes les pochettes "spéciales" qu'on allait découvrir dans les décennies suivantes.

Le disque en détail

Pour certains, Sgt. Pepper's est le meilleur album des Beatles. Pour d'autres, il s'agit du meilleur album des sixties. Pour d'autres encore, il s'agit de plus grand disque de tous les temps. En tout cas, ce disque est assez important pour bénéficier d'une page beaucoup plus complète que mes autres disques préférés. Nous allons donc passer en revue la totalité de ses morceaux.

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band

Une salle de concert, des musiciens qui accordent leurs instruments, et Paul joue les maîtres de cérémonie. On imagine que les lumières viennent de s'allumer sur la scène, car le public éclate de rire à la vue des uniformes édouardiens. Donc, l'orchestre du club des cœurs solitaires du sergent Poivre va chanter pour nous des événements que nous connaissons bien : notre vie de tous les jours. Paul nous souhaite une bonne soirée, et laisse la parole à Billy Shears.

With A Little Help From My Friends

Billy Shears (alias Ringo Starr) interprète cette chanson composée spécialement pour lui par John et Paul. Le thème en est l'amitié, le fait qu'on ne fait pas grand chose sans l'aide des autres, et s'inscrit parfaitement dans la pensée des sixties. Rapidement, la chanson devient un jeu de questions / réponses entre Ringo et les 3 autres Beatles.

Certaines personnes bien-pensantes ont probablement grimacé à l'écoute du couplet de With A Little Help From My Friends :

I get high with a little help from my friends

To get high était un néologisme utilisé par les hippies du quartier de Haight-Ashbury à San Francisco et qu'on peut traduire littéralement par "planer" (et tous les sous-entendus associés). Pour être plus proches de leur public, les Beatles utilisaient délibérément ces expressions branchées dont on trouvera d'autres exemples un peu plus loin.

Lucy In The Sky With Diamonds

Une chanson qui a fait couler beaucoup d'encre, à cause des initiales de son titre. John Lennon répondit que l'idée lui en était venue un jour où son fils Julian, au début de 1967, était rentré de l'école avec un de ses dessins. Le dessin représentait une se ses copines d'école, Lucy O'Donnell alors âgée de 4 ans, et il a simplement dit à son père :

C'est Lucy dans le ciel avec des diamants !

Une chose est certaine : ce dessin d'enfant existe vraiment. On peut le voir dans le livre L'intégrale Beatles - Les secrets de toutes leurs chansons de Steve Turner.

Avec Lucy In The Sky With Diamonds, les Beatles s'aventurent dans les mêmes territoires que le Pink Floyd de Syd Barrett. Il s'agit d'un psychédélisme "à l'anglaise", c'est à dire plus inspiré par Lewis Caroll que par Timothy Leary. Laissons-nous entraîner par les claviers de John et Paul, entrons dans cet univers de fleurs de cellophane jaunes et vertes tournoyantes, sous ces cieux de marmelade, prenons un de ces taxis en papier-journal et partons retrouver cette fille merveilleuse qui possède des yeux kaléidoscope et qui nous attend à la gare, à côté du tourniquet.

Getting Better

Une belle chanson dynamique et optimiste, interprétée par Paul. En résumé, ça va mieux. Ca va même de mieux en mieux depuis qu'il est amoureux (de Jane Asher ?). Le sale gosse, l'adolescent agressif qu'il était autrefois, n'est plus qu'un mauvais souvenir.

Getting Better, c'est un peu le monde à l'envers. Toute la chanson est construite autour de la ligne de basse et les parties de guitare sont hyper-simples. C'est même probablement la plus belle partie de basse jamais jouée par Paul McCartney. Quelqu'un qui posséderait une solide culture musicale expliquerait que le charme de Getting Better est la résultante de la mélodie chantée par Paul et du contre-chant joué par la basse. Je me contenterai d'écrire que Getting Better, surtout dans sa première partie, est plein de notes qui font du bien lorsqu'on les entend. Tout récemment, Paul a repris cette chanson sur scène et elle n'a pas pris une seule ride.

Fixing A Hole

Une chanson sur... le bricolage. Paul, à qui on a conseillé d'investir dans l'immobilier, vient d'acheter une ferme en Ecosse. Mais elle est dans un triste état et la rendre habitable nécessitera beaucoup de travail. Paul découvre alors que, pendant qu'il rebouche les trous dans lesquels la pluie s'insinue et peint ses pièces avec des couleurs chatoyantes, il peut faire le vide et oublier temporairement la pression du show business. D'où cette chanson. Le solo de guitare (George) y est extraordinaire.

Mais les gens bien-pensants ont probablement encore grimacé car si to fix a hole signifie littéralement "boucher un trou", l'expression était aussi utilisée par les hippies pour désigner un autre genre d'activité. Et de deux !

She's Leaving Home

En 1967, toute une génération est avide d'une liberté que leurs parents ne peuvent même pas imaginer. Face à l'incompréhension qui s'installe entre eux, beaucoup d'adolescents décident de quitter le domicile familial. En février 1967, Paul tombe sur un article du Daily Mirror qui raconte justement la fugue d'une adolescente. Il décide d'en faire une chanson, écrite sur le même ton que l'article et reprenant les paroles confiées par les parents de la fugueuse au journaliste :

Nous lui avons donné tout ce que l'argent peut acheter,
Nous avons sacrifié nos vies,
Qu'avons-nous fait de mal ?

Le résultat est superbe. She's Leaving Home est un morceau de facture classique dans lequel les Beatles ne jouent d'aucun instrument. Mike Lander y est à la harpe et à la guitare classique, 2 violons, 2 violoncelles et une contrebasse finissent de créer l'ambiance si nostalgique de la chanson. Au fait, l'histoire finit bien : la demoiselle qui a fuit le domicile de ses parents le mercredi matin va tomber amoureuse d'un garagiste dès le jeudi matin. Dans la réalité, celui de l'adolescente dont parlait l'article était croupier.

Being For The Benefit Of Mr. Kite

Un exercice auquel pourraient s'essayer les apprentis-artistes dont la télévision nous gave depuis quelques temps : prenez une affiche et faites-en une chanson.

C'est ce qu'à fait John Lennon peu après avoir fait l'acquisition d'une vieille affiche datant de 1843 chez un antiquaire. Pour avoir de meilleures rimes, il a transformé un cirque en fête foraine et il a déplacé l'action à Bishopsgate. Mais tout le reste est exact : Mr Kite, les Henderson et Pablo Fanques étaient de célèbres artistes de l'époque victorienne. On peut voir une reproduction de l'affiche dans l'ouvrage de Steve Turner cité précédemment.

Sur le plan musical, l'ambiance de ce morceau est celle d'une fête foraine psychédélique dans laquelle aucun son n'est vraiment naturel. Etonnant...

Within You Without You

Après Love you to sur l'album précédent, George Harrison fait une nouvelle incursion dans la musique traditionnelle Indienne. Within You Without You est probablement sa plus belle réussite dans ce domaine. Les 3 autres Beatles ne jouent pas sur ce morceau.

Le message contenu dans la chanson est simple. George y résume en quelques phrases la philosophie qui sera sienne jusqu'à la fin de ses jours, l'inutilité de cet ego qui nous rend si individualistes : 

Nous discutions, de l'espace qui existe entre nous, et ceux qui se cachent derrière un mur d'illusion n'entrevoient jamais la vérité, car il est bien trop tard, lorsqu'ils s'en vont.
...
Essayez de réaliser que c'est en vous que ça se passe, personne ne pourra vous faire changer,
Et de voir que vous êtes vraiment tout petits, et que la vie continuera avec vous et sans vous.

La chanson se termine sur un bel exemple d'autodérision : à l'écoute de ces paroles, quelqu'un éclate de rire dans le studio et il s'agit en fait... de George lui-même.

When I'm Sixty-Four

Du 100% McCartney, qui avait composé cette chanson alors qu'il était encore adolescent, qui l'interprétait déjà sur la scène de la Cavern à Liverpool, et qui joue de quasiment tous les instruments sur cette version. Avec sa mélodie toute simple, When I'm Sixty-Four aurait pu être un succès dans les années vingt. Il s'agit d'un hymne à la vie tranquille : un homme réalise qu'il est en train de vieillir et il a soudain besoin de se rassurer. Son petit bonheur au quotidien, sa vie de couple si bien réglée, vont-ils durer ?

Auras-tu encore envie de moi, me feras-tu encore à manger, lorsque j'aurai 64 ans ?

Lovely Rita

On avait de drôles de façons de régler ses comptes en 1967... Au printemps, Paul s'est fait aligner par une contractuelle parce qu'il n'y avait plus de pièces dans le parcmètre. Rentré chez lui, il décide pour se venger d'écrire une chanson ironique sur la dame en question. Mais, lorsqu'elle est terminée, il réalise qu'il s'agit en fait d'une chanson d'amour. Un jeune garçon arpente le trottoir sur lequel Rita distribue des contraventions en espérant pouvoir capter son regard. Un jour enfin, il l'invite à déjeuner et lui avoue qu'il aimerait bien la revoir.

Le superbe solo de piano bastringue est interprété par Georges Martin

Good Morning Good Morning

John Lennon a écrit cette chanson après avoir vu à la télévision une publicité pour des flocons d'avoine.

Good Morning Good Morning est une chanson sur les journées ordinaires qui se succèdent inlassablement, ces jours où on n'a rien de spécial à faire ou à dire, et où on n'a même pas envie d'aller bosser. C'est le matin. En ville, tout est fermé et les gens dorment encore. Puis tout à coup on se sent bien, même si rien n'a vraiment changé. La journée passe alors comme un éclair et on se retrouve le soir en train de prendre le thé ou de regarder son émission favorite à la télé.

La chanson commence par le chant du coq et se termine par le brouhaha d'une chasse à courre. Les Sound Incorporated sont de la fête et soutiennent le rythme avec leur section de cuivre.

Dures le matin, routinières le soir et insipides entre les deux : j'ai déjà vu ce genre de journées quelque-part...

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (reprise)

Mais revoici déjà le maître de cérémonie. Il bat la mesure "1-2-3-4" et les Beatles se lancent dans une formidable reprise du premier titre de l'album. C'est la fête, il y a des guitares partout et le public hurle de joie. Paul remercie le public et lui lance un dernier au revoir. Aujourd'hui encore, Paul interprète ce titre sur scène quasiment à l'identique à la fin de ses concerts.

Les meilleurs choses ont une fin, et l'orchestre du club des cœurs solitaires du sergent Poivre vient de quitter la scène. Alors tout est fini ? Peut-être pas encore...

A Day In The Life

Ils ont gardé le meilleur pour la fin, et ce dernier morceau qui fait penser à une sorte de rappel est l'apothéose de tout ce qui l'a précédé. Il a fallu un orchestre de 42 musiciens et 3 semaines de travail, soit 3 fois plus de temps que pour n'importe lequel des autres morceaux du disque, pour enregistrer ce titre.

A Day In The Life est une "chanson-sandwich". Prenez une tranche de chanson de Paul McCartney, glissez-la entre 2 tranches de chanson de John Lennon et le tour est joué. Les parties de John parlent des nouvelles qu'il avait lues récemment dans la presse et qui l'avaient marquées. La partie de Paul est un souvenir nostalgique de son adolescence, lorsqu'il se levait en catastrophe le matin pour attraper un bus au vol et se rendre au lycée. La juxtaposition des deux parties donne un résultat surréaliste dans lequel un homme sort de son rêve (naturel ou artificiel ?), reste un bref instant dans la réalité puis y replonge rapidement. Lorsqu'il replonge, la musique se met à monter, monter, monter pour finalement exploser sur une énorme note de piano, jouée par John, Paul, Ringo et Georges Martin sur deux pianos de concert, et qui résonne pendant près d'une minute. Il ne manque que le champignon atomique.

La chanson comporte 2 autres néologismes en provenance directe des hippies de San Francisco : I'd love to turn you on et I had a smoke. On peut traduire I'd love to turn you on par 'J'aimerais vous brancher", expression courante aujourd'hui mais un peu sulfureuse à l'époque. I had a smoke peut être traduit par "J'en ai grillé une". Dans une interview, Paul expliqua que lorsqu'il était jeune et qu'il montait dans un autobus à impériale, il grimpait sur la plate-forme pour y fumer une cigarette bon marché car il n'avait pas beaucoup d'argent de poche à l'époque.

Traduction des paroles
Mais cette explication n'a pas convaincu tout le monde, et A Day In The Life a été interdite d'antenne par plusieurs stations de radio dont la BBC. Etait-ce vraiment nécessaire ? Personnellement, je ne le crois pas mais vous pouvez vous faire votre propre idée sur la question en lisant la traduction de cette chanson.

Pourquoi j'aime ce disque

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band fait partie de cette poignée de disques qui ont vraiment compté dans l'histoire du rock. Pour la première fois l'enregistrement d'une douzaine de morceaux avait duré 4 mois, soit une moyenne d'une semaine par morceau. Pour la première fois un groupe s'était creusé la tête pour obtenir une pochette vraiment originale. Pour la première fois un 33 tours avait coûté la bagatelle de 25.000 £ à une maison de disques. Le business de la musique était en train de changer : les disques qui allaient suivre seraient de vraies œuvres d'art, dont la conception serait longue et onéreuse.

Et le public ne s'y est pas trompé. Rien qu'en Grande Bretagne, 100.000 copies de l'album ont été vendues en une semaine et 500.000 en un mois. Du jamais vu... La scène musicale était estomaquée. Jimi Hendrix, après avoir écouté la chanson-titre, se mit immédiatement au travail et en présenta sa propre version le soir même, dans un club londonien. On raconte même que Brian Wilson, le leader des Beach Boys, éclata en sanglots en écoutant ce disque. Il pensait que son dernier album Pet Sounds avait une bonne longueur d'avance sur ceux des autres groupes, et il venait de réaliser que Paul McCartney l'avait battu sur son propre terrain. De dépit, il se mit aussitôt à travailler d'arrache-pied à Smiley Smile pour essayer de reconquérir son titre perdu. Mais ceci est une autre histoire...

Si la perfection n'est pas de ce monde, il faut quand-même admettre que Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band n'en est pas loin. Les Beatles ont voulu ouvrir la Pop Music au plus grand nombre, indépendamment de toute notion d'âge ou de classe sociale. Sgt. Pepper est une sorte de comédie humaine du vingtième siècle. Les musiciens du club des cœurs solitaires du sergent Poivre ont observé l'Angleterre de 1967 et l'ont chantée sous toutes ses facettes. Pèle-mêle, on retrouvera dans ce disque :

    • l'amitié (With A Little Help From My Friends)
    • les "voyages" (Lucy In The Sky With Diamonds)
    • la recherche d'une échappatoire à la vie moderne et à son stress (Fixing A Hole)
    • la crise des générations (She's Leaving Home)
    • la fête (Being For The Benefit Of Mr. Kite)
    • l'Inde et sa philosophie (Within You Without You)
    • les vieux couples (When I'm Sixty-Four)
    • l'amour (Lovely Rita)
    • la routine des jours qui se suivent et se ressemblent (Good Morning Good Morning)

Il y en avait pour tout le monde, et presque tout le monde s'y est reconnu. Aujourd'hui encore, ce disque doit être un formidable réservoir à souvenirs pour ceux qui ont eu la chance de le découvrir lors de sa sortie.

Sur le plan musical, les Beatles ont fait un bond énorme depuis leur album précédent. Si Sgt. Pepper semble si moderne plus de 30 ans après sa sortie, c'est parce que chaque note qu'on y entend a été pensée et longuement travaillée en studio. Bien sûr ce ne sont jamais que des guitares, des claviers, une batterie, des cuivres et quelques instruments indiens, mais on ne les avait jamais entendus sonner aussi bien. La basse de Paul McCartney est omniprésente et son jeu est plus complexe que jamais, tout en glissandos et en changements de rythmes. Les claviers ne sonnent pas tout à fait comme de vrais claviers : le son du piano, de l'orgue et du clavecin nous parviennent comme au travers d'une brume. Les guitares électriques sont hyper-trafiquées. Certaines percussions sont vraiment très étranges (probablement parce que les bandes ont été relues à l'envers lors du mixage). Pour finir, les instruments indiens et leurs vibrations sympathiques finissent d'apporter une touche d'exotisme à l'ensemble. Il s'agit donc d'un véritable album psychédélique, dans lequel l'auditeur est constamment surpris par ce qu'il entend (essayez de l'écouter au casque).

Mais voici justement le seul revers de la médaille. Pour plaire à tout le monde, les Beatles ont réalisé un album très sage, trop sage par rapport à son prédécesseur. Il n'y a pas de folie ici, juste beaucoup de talent et de professionnalisme. Ils ne sont plus en colère contre personne, même contre leur percepteur, et leurs provocations se limitent à quelques expressions branchées placées ici et là dans leurs textes. Donc, si le plus bel album des Beatles est indiscutablement Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, mon préféré restera toujours Revolver. Ce qui ne m'empêche pas de connaître Sgt. Pepper par cœur...

Pour la petite histoire...

    • On raconte que, pendant l'enregistrement de Getting Better, deux fans du groupe qui voulaient rencontrer les Beatles se sont fait éconduire. Les fab-four ne voulaient pas être dérangés en plein travail. Ces deux fans n'étaient autres que... David Gilmour et Roger Waters (du Pink Floyd).

    • Strawberry Fields Forever / Penny Lane
      La sortie de Sgt. Pepper's fut précédée, le 17 février 1967, par celle d'un 45 tours qui allait lui aussi laisser des traces dans les mémoires : Strawberry Fields Forever / Penny Lane. La face A est de John Lennon, la face B de Paul McCartney, et on réalise en les écoutant que les deux compositeurs travaillent désormais dans des directions différentes. Le lien entre les deux chansons est la nostalgie de l'enfance, car elles ont toutes deux pour sujet des lieux que les deux Beatles ont fréquentés lorsqu'ils étaient jeunes.

Ces deux chansons ont été enregistrées en 105 heures au début des sessions de Sgt. Pepper's , et elles auraient du figurer sur l'album. Mais la maison de disques des Beatles aux USA avait besoin rapidement d'un nouveau single, ce qui a précipité leur sortie.

Strawberry Fields Forever

La face A du single est une des chansons les plus expérimentales que les Beatles aient jamais composées. Il s'agit d'un patchwork de sons dont le sujet est un orphelinat situé à quelques minutes de la maison dans laquelle John habitait lorsqu'il était enfant, et qui était entourée d'un vaste parc dans lequel il aimait jouer et se promener. Il existe en fait deux versions de la chanson : une en SI et une autre, sur laquelle on peut entendre des cuivres, en DO. Mais elles étaient toutes deux excellentes et John n'arrivait pas à se décider en faveur de l'une ou de l'autre. Georges Martin réussit alors le tour de force de créer un mix des deux versions, et pour leur donner la même tonalité il ralentit l'une d'entre elles et accéléra l'autre, ce qui donna au morceau ce son "brillant" si particulier.

John, à l'instar du gamin qui aimait s'isoler dans le parc de Strawberry Field (au singulier), se trouve bien seul "dans son arbre" : personne ne semble le comprendre.

Penny Lane

La face B est une chanson Pop plus habituelle. Elle parle d'un quartier de Liverpool que John et Paul fréquentaient, et de ses habitants parfois si pittoresques. On est donc à fond dans la nostalgie d'une enfance heureuse. Lorsque Paul a enregistré cette chanson, il écoutait le Concerto brandebourgeois de Bach et il a trouvé que c'était une bonne idée d'y incorporer un solo de trompette baroque.

Pour moi, ce morceau est important dans la mesure où il m'a fait découvrir la musique des Beatles, et par conséquent toutes les autres musiques qui ont ensuite suivi, le jour de 1974 où ma prof d'Anglais est arrivée avec un électrophone et nous a fait écouter Penny Lane au lieu de nous faire étudier le chapitre suivant du manuel. Je me rappelle que j'avais écrit sur mon cahier que la chanson était de John Lemon et Paul McCartney. Pauvre John Citron...

    • Le volume 2 de l'anthologie Beatles contient plusieurs versions alternatives ou maquettes des morceaux enregistrés durant les sessions de Sgt. Pepper. En les écoutant, on comprend mieux comment les Beatles ont fabriqué cet album, comment ils ont obtenu le climat de chaque chanson. Chaque morceau est en fait un collage de nombreuses pistes, et les bandes "brutes" de l'anthologie nous permettent d'entendre nettement des sons qui seront par la suite noyés dans la masse mais qui reviendront à un niveau presque subliminal dans la version définitive de l'album.

Strawberry Fields Forever

L'anthologie contient un montage qui commence par une simple maquette sur laquelle John chante en s'accompagnant à la guitare acoustique. Puis au fur et à mesure de l'avancement du travail de studio arrivent les nombreux instruments qui donneront sa couleur finale au morceau. Il ne manque plus que la guitare solo de George pour obtenir la version que nous connaissons.

Penny Lane

Cette version est déjà bien élaborée et proche de la version que nous connaissons. Par contre, les chœurs ne sont pas encore enregistrés et le pont musical au milieu du morceau est un peu surprenant.

A Day In The Life

Sur cette maquette, composée de plusieurs prises différentes, le son des instruments n'est pas encore trafiqué. Les voix, la guitare acoustique de John et le piano de Paul sont superbement enregistrés. On entend Mal Evans compter les mesures pour que Paul se mette à chanter pile à l'instant voulu. La montée de violons, "brute de fonderie", est magnifique.

Good Morning Good Morning

Cette version est surtout intéressante pour la partie de guitare rythmique et la pêche de Ringo à la batterie.

Being For The Benefit Of Mr. Kite

L'anthologie contient les 2 premières prises de la chanson, dans lesquelles les Beatles s'arrêtent au bout de quelques secondes, et une version beaucoup plus aboutie dans laquelle le son de chacun des orgues est encore très audible. En les fusionnant au mixage, les Beatles obtiendront le climat de fête foraine psychédélique qui caractérise le morceau.

Lucy In The Sky With Diamonds

Sur cette version, presque définitive, apparaît nettement une guitare rythmique et un piano qu'on entend beaucoup moins dans le mix final. Les interventions de George au sitar sont mises en valeur.

Within You Without You

L'anthologie Beatles contient une version instrumentale (sans la voix de George) de Within You Without You, qui permet de se rendre compte de la maîtrise qu'il avait des instruments traditionnels indiens. On est à des années-lumières des autres musiciens de l'époque qui n'utilisaient le sitar que pour donner une certaine couleur exotique à leur Pop music.

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (reprise)

Il s'agit d'une version quasiment live de la chanson. Les guitares sont à fond, c'est du rock sans fioritures, et on pense à la version enregistrée par les Inmates le 20 juin 1987 à la Villette (album Meet the Beatles). Etait-il bien nécessaire de "l'adoucir" au mixage ?

Liens

http://www.iamthebeatles.com/

Un des nombreux sites consacrée aux Beatles, mais celui-ci est vraiment génial.

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A bientôt !
Dernière mise à jour de cette page : 31/05/2003

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