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Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band |
With A Little Help From My Friends |
Lucy In The Sky With Diamonds |
Getting Better |
Fixing A Hole |
She's Leaving Home |
Being For The Benefit Of Mr. Kite |
Within You Without You |
When I'm Sixty-Four |
Lovely Rita |
Good Morning Good Morning |
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (reprise) |
A Day In The Life |
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Chronologie
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est paru
le 1er juin 1967. Dans la discographie des Beatles, il se positionne
entre Revolver (5 août
1966) et Magical Mystery Tour (8 décembre
1967).
L'enregistrement et le mixage
Le 29 août 1966, à Candlestick Parc (San Francisco),
les Beatles ont donné leur dernier concert. A l'avenir,
ils souhaitent se consacrer exclusivement à leurs albums.
Le public attend donc leur prochain disque avec impatience : ils
n'ont pas le droit à l'erreur et se doivent de faire encore
mieux que Revolver.
Sgt. Pepper's est au départ une idée de
Paul McCartney. L'orchestre du club des curs solitaires
du sergent Poivre, une fanfare créée dans les années
quarante, vient de donner un concert et cet album en est l'enregistrement.
Le ton est tout de suite donné, ce nom de groupe à
rallonge fait immédiatement penser à ceux des groupes
psychédéliques de la baie de San Francisco.
Les Beatles entrent en studio le 10 décembre 1966 et
ils n'en ressortiront que 4 mois plus tard, le 2 avril 1967.
En tout, ils auront travaillé près de 700 heures
dans le studio n° 2 d'Abbey Road (et aussi au studio Regent
Sound dans lequel Fixing A Hole a été enregistré).
Ils ne s'accordent ensuite que 2 jours de pause et dès
le 5 avril, alors que Paul McCartney est parti retrouver sa fiancée
Jane Asher aux USA, George Martin, John, George et Ringo s'attaquent
au mixage des nouveaux titres. Première nouveauté : au
revoir les vieux disques dans lesquels chaque chanson était
séparée de la suivante par un blanc de quelques
secondes : ces morceaux vont s'enchaîner sans
interruption.
La pochette
La pochette de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
dans sa version vinyle, est un bel objet auquel la réédition
en CD ne rend pas vraiment hommage. Elle est double, ce qui était
très rare à l'époque, et en couleurs.
Le recto de la pochette montre une "photo de famille"
prise le 15 mars 1967 à Chelsea. Les Beatles, en faisant
appel aux personnages du musée de cire de Mme Tussaud,
ont réuni dans un même studio tout leur panthéon
personnel. Artistes, écrivains, savants, sportifs, Stuart
Sutcliffe (bassiste du groupe jusqu'en 1961, décédé
en avril 1962 à Hambourg), quelques parfaits inconnus
et même... les Beatles version 1964 : la soixantaine
de personnes qui ont contribué à faire des Beatles
ce qu'ils étaient devenus en 1967 pose ici pour la postérité.
Un peu d'humour : une poupée figurant au bas
de la photo porte un pull sur lequel on peut lire "WELCOME
TO THE ROLLING STONES". Et au premier rang, voici les Beatles
version 1967. Pour la circonstance, ils ont confié à
Maurice Berman (un costumier de cinéma) la conception
de leurs uniformes. Il s'est inspiré des vieux uniformes
édouardiens portés par de nombreux musiciens de
la seconde moitié des sixties, tels ceux de Cream ou de
Manfred Mann, mais il les a coupés dans des tissus de
couleurs vives : vert pour John, rose indien pour Ringo,
bleu pour Paul et rouge pour George. Ces couleurs flashantes
font contraste avec les couleurs plus ternes des vêtements
des effigies de cire.
La double page centrale contient une grande photo des Beatles.
Le verso de la pochette contient une photo du groupe ainsi
que, seconde nouveauté, les paroles des chansons.
De plus, à l'intérieur de la pochette, le 33
tours est accompagné d'une planche cartonnée dans
laquelle on peut découper :
- la moustache du sergent Pepper
- une carte postale du sergent Pepper
- les galons du sergent Pepper
- deux badges
- une silhouette des Beatles dans leurs uniformes
édouardiens
Cette pochette a du étonner pas mal de monde lors de
la sortie de l'album. On venait de réaliser que la pochette
d'un disque est une chose importante et la voie était
désormais ouverte à toutes les pochettes "spéciales"
qu'on allait découvrir dans les décennies suivantes.
Le disque en détail
Pour certains, Sgt. Pepper's est le meilleur
album des Beatles. Pour d'autres, il s'agit du meilleur album
des sixties. Pour d'autres encore, il s'agit de plus grand disque
de tous les temps. En tout cas, ce disque est assez important
pour bénéficier d'une page beaucoup plus complète
que mes autres disques préférés. Nous allons
donc passer en revue la totalité de ses morceaux.
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
Une salle de concert, des musiciens qui accordent leurs instruments,
et Paul joue les maîtres de cérémonie. On
imagine que les lumières viennent de s'allumer sur la
scène, car le public éclate de rire à la
vue des uniformes édouardiens. Donc, l'orchestre du club
des curs solitaires du sergent Poivre va chanter pour nous
des événements que nous connaissons bien : notre
vie de tous les jours. Paul nous souhaite une bonne soirée,
et laisse la parole à Billy Shears.
With A Little Help From My Friends
Billy Shears (alias Ringo Starr) interprète cette chanson
composée spécialement pour lui par John et Paul.
Le thème en est l'amitié, le fait qu'on ne fait
pas grand chose sans l'aide des autres, et s'inscrit parfaitement
dans la pensée des sixties. Rapidement, la chanson devient
un jeu de questions / réponses entre Ringo et les
3 autres Beatles.
Certaines personnes bien-pensantes ont probablement grimacé
à l'écoute du couplet de With A Little Help
From My Friends :
I get high with a little help from my friends
To get high était un néologisme utilisé
par les hippies du quartier de Haight-Ashbury à San Francisco
et qu'on peut traduire littéralement par "planer"
(et tous les sous-entendus associés). Pour être
plus proches de leur public, les Beatles utilisaient délibérément
ces expressions branchées dont on trouvera d'autres exemples
un peu plus loin.
Lucy In The Sky With Diamonds
Une chanson qui a fait couler beaucoup d'encre, à cause
des initiales de son titre. John Lennon répondit que l'idée
lui en était venue un jour où son fils Julian,
au début de 1967, était rentré de l'école
avec un de ses dessins. Le dessin représentait une se
ses copines d'école, Lucy O'Donnell alors âgée
de 4 ans, et il a simplement dit à son père :
C'est Lucy dans le ciel avec des diamants !
Une chose est certaine : ce dessin d'enfant existe
vraiment. On peut le voir dans le livre L'intégrale
Beatles - Les secrets de toutes leurs chansons de Steve Turner.
Avec Lucy In The Sky With Diamonds, les Beatles s'aventurent
dans les mêmes territoires que le Pink Floyd de Syd Barrett.
Il s'agit d'un psychédélisme "à l'anglaise",
c'est à dire plus inspiré par Lewis Caroll que
par Timothy Leary. Laissons-nous entraîner par les claviers
de John et Paul, entrons dans cet univers de fleurs de cellophane
jaunes et vertes tournoyantes, sous ces cieux de marmelade, prenons
un de ces taxis en papier-journal et partons retrouver cette
fille merveilleuse qui possède des yeux kaléidoscope
et qui nous attend à la gare, à côté
du tourniquet.
Getting Better
Une belle chanson dynamique et optimiste, interprétée
par Paul. En résumé, ça va mieux. Ca va
même de mieux en mieux depuis qu'il est amoureux (de Jane
Asher ?). Le sale gosse, l'adolescent agressif qu'il était
autrefois, n'est plus qu'un mauvais souvenir.
Getting Better, c'est un peu le monde à l'envers.
Toute la chanson est construite autour de la ligne de basse et
les parties de guitare sont hyper-simples. C'est même probablement
la plus belle partie de basse jamais jouée par Paul McCartney.
Quelqu'un qui posséderait une solide culture musicale
expliquerait que le charme de Getting Better est la résultante
de la mélodie chantée par Paul et du contre-chant
joué par la basse. Je me contenterai d'écrire que
Getting Better, surtout dans sa première partie,
est plein de notes qui font du bien lorsqu'on les entend. Tout
récemment, Paul a repris cette chanson sur scène
et elle n'a pas pris une seule ride.
Fixing A Hole
Une chanson sur... le bricolage. Paul, à qui on a conseillé
d'investir dans l'immobilier, vient d'acheter une ferme en Ecosse.
Mais elle est dans un triste état et la rendre habitable
nécessitera beaucoup de travail. Paul découvre
alors que, pendant qu'il rebouche les trous dans lesquels
la pluie s'insinue et peint ses pièces avec des
couleurs chatoyantes, il peut faire le vide et oublier temporairement
la pression du show business. D'où cette chanson. Le solo
de guitare (George) y est extraordinaire.
Mais les gens bien-pensants ont probablement encore grimacé
car si to fix a hole signifie littéralement "boucher
un trou", l'expression était aussi utilisée
par les hippies pour désigner un autre genre d'activité.
Et de deux !
She's Leaving Home
En 1967, toute une génération est avide d'une
liberté que leurs parents ne peuvent même pas imaginer.
Face à l'incompréhension qui s'installe entre eux,
beaucoup d'adolescents décident de quitter le domicile
familial. En février 1967, Paul tombe sur un article du
Daily Mirror qui raconte justement la fugue d'une adolescente.
Il décide d'en faire une chanson, écrite sur le
même ton que l'article et reprenant les paroles confiées
par les parents de la fugueuse au journaliste :
Nous lui avons donné tout ce que l'argent peut acheter,
Nous avons sacrifié nos vies,
Qu'avons-nous fait de mal ?
Le résultat est superbe. She's Leaving Home
est un morceau de facture classique dans lequel les Beatles ne
jouent d'aucun instrument. Mike Lander y est à la harpe
et à la guitare classique, 2 violons, 2 violoncelles et
une contrebasse finissent de créer l'ambiance si nostalgique
de la chanson. Au fait, l'histoire finit bien : la
demoiselle qui a fuit le domicile de ses parents le mercredi
matin va tomber amoureuse d'un garagiste dès le jeudi
matin. Dans la réalité, celui de l'adolescente
dont parlait l'article était croupier.
Being For The Benefit Of Mr. Kite
Un exercice auquel pourraient s'essayer les apprentis-artistes
dont la télévision nous gave depuis quelques temps : prenez
une affiche et faites-en une chanson.
C'est ce qu'à fait John Lennon peu après avoir
fait l'acquisition d'une vieille affiche datant de 1843 chez
un antiquaire. Pour avoir de meilleures rimes, il a transformé
un cirque en fête foraine et il a déplacé
l'action à Bishopsgate. Mais tout le reste est exact : Mr
Kite, les Henderson et Pablo Fanques étaient de célèbres
artistes de l'époque victorienne. On peut voir une reproduction
de l'affiche dans l'ouvrage de Steve Turner cité précédemment.
Sur le plan musical, l'ambiance de ce morceau est celle d'une
fête foraine psychédélique dans laquelle
aucun son n'est vraiment naturel. Etonnant...
Within You Without You
Après Love you to sur l'album précédent,
George Harrison fait une nouvelle incursion dans la musique traditionnelle
Indienne. Within You Without You est probablement sa plus
belle réussite dans ce domaine. Les 3 autres Beatles ne
jouent pas sur ce morceau.
Le message contenu dans la chanson est simple. George y résume
en quelques phrases la philosophie qui sera sienne jusqu'à
la fin de ses jours, l'inutilité de cet ego qui nous rend
si individualistes :
Nous discutions, de l'espace qui existe entre nous, et
ceux qui se cachent derrière un mur d'illusion
n'entrevoient jamais la vérité, car il est bien
trop tard, lorsqu'ils s'en vont.
...
Essayez de réaliser que c'est en vous que ça se
passe, personne ne pourra vous faire changer,
Et de voir que vous êtes vraiment tout petits, et que la
vie continuera avec vous et sans vous.
La chanson se termine sur un bel exemple d'autodérision : à
l'écoute de ces paroles, quelqu'un éclate de rire
dans le studio et il s'agit en fait... de George lui-même.
When I'm Sixty-Four
Du 100% McCartney, qui avait composé cette chanson
alors qu'il était encore adolescent, qui l'interprétait
déjà sur la scène de la Cavern à
Liverpool, et qui joue de quasiment tous les instruments sur
cette version. Avec sa mélodie toute simple, When I'm
Sixty-Four aurait pu être un succès dans les
années vingt. Il s'agit d'un hymne à la vie tranquille : un
homme réalise qu'il est en train de vieillir et il a soudain
besoin de se rassurer. Son petit bonheur au quotidien, sa vie
de couple si bien réglée, vont-ils durer ?
Auras-tu encore envie de moi, me feras-tu encore à
manger, lorsque j'aurai 64 ans ?
Lovely Rita
On avait de drôles de façons de régler
ses comptes en 1967... Au printemps, Paul s'est fait aligner
par une contractuelle parce qu'il n'y avait plus de pièces
dans le parcmètre. Rentré chez lui, il décide
pour se venger d'écrire une chanson ironique sur la dame
en question. Mais, lorsqu'elle est terminée, il réalise
qu'il s'agit en fait d'une chanson d'amour. Un jeune garçon
arpente le trottoir sur lequel Rita distribue des contraventions
en espérant pouvoir capter son regard. Un jour enfin,
il l'invite à déjeuner et lui avoue qu'il aimerait
bien la revoir.
Le superbe solo de piano bastringue est interprété
par Georges Martin
Good Morning Good Morning
John Lennon a écrit cette chanson après avoir
vu à la télévision une publicité
pour des flocons d'avoine.
Good Morning Good Morning est une chanson sur les journées
ordinaires qui se succèdent inlassablement, ces jours
où on n'a rien de spécial à faire ou à
dire, et où on n'a même pas envie d'aller bosser.
C'est le matin. En ville, tout est fermé et les gens dorment
encore. Puis tout à coup on se sent bien, même si
rien n'a vraiment changé. La journée passe alors
comme un éclair et on se retrouve le soir en train de
prendre le thé ou de regarder son émission favorite
à la télé.
La chanson commence par le chant du coq et se termine par
le brouhaha d'une chasse à courre. Les Sound Incorporated
sont de la fête et soutiennent le rythme avec leur section
de cuivre.
Dures le matin, routinières le soir et insipides entre
les deux : j'ai déjà vu ce genre de journées
quelque-part...
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (reprise)
Mais revoici déjà le maître de cérémonie.
Il bat la mesure "1-2-3-4" et les Beatles se lancent
dans une formidable reprise du premier titre de l'album. C'est
la fête, il y a des guitares partout et le public hurle
de joie. Paul remercie le public et lui lance un dernier au revoir.
Aujourd'hui encore, Paul interprète ce titre sur scène
quasiment à l'identique à la fin de ses concerts.
Les meilleurs choses ont une fin, et l'orchestre du club des
curs solitaires du sergent Poivre vient de quitter la scène.
Alors tout est fini ? Peut-être pas encore...
A Day In The Life
Ils ont gardé le meilleur pour la fin, et ce dernier
morceau qui fait penser à une sorte de rappel est l'apothéose
de tout ce qui l'a précédé. Il a fallu un
orchestre de 42 musiciens et 3 semaines de travail, soit 3 fois
plus de temps que pour n'importe lequel des autres morceaux du
disque, pour enregistrer ce titre.
A Day In The Life est une "chanson-sandwich".
Prenez une tranche de chanson de Paul McCartney, glissez-la entre
2 tranches de chanson de John Lennon et le tour est joué.
Les parties de John parlent des nouvelles qu'il avait lues récemment
dans la presse et qui l'avaient marquées. La partie de
Paul est un souvenir nostalgique de son adolescence, lorsqu'il
se levait en catastrophe le matin pour attraper un bus au vol
et se rendre au lycée. La juxtaposition des deux parties
donne un résultat surréaliste dans lequel un homme
sort de son rêve (naturel ou artificiel ?), reste
un bref instant dans la réalité puis y replonge
rapidement. Lorsqu'il replonge, la musique se met à monter,
monter, monter pour finalement exploser sur une énorme
note de piano, jouée par John, Paul, Ringo et Georges
Martin sur deux pianos de concert, et qui résonne pendant
près d'une minute. Il ne manque que le champignon atomique.
La chanson comporte 2 autres néologismes en provenance
directe des hippies de San Francisco : I'd love
to turn you on et I had a smoke. On peut traduire
I'd love to turn you on par 'J'aimerais vous brancher",
expression courante aujourd'hui mais un peu sulfureuse à
l'époque. I had a smoke peut être traduit
par "J'en ai grillé une". Dans une interview,
Paul expliqua que lorsqu'il était jeune et qu'il montait
dans un autobus à impériale, il grimpait sur la
plate-forme pour y fumer une cigarette bon marché car
il n'avait pas beaucoup d'argent de poche à l'époque.
Mais cette explication n'a pas convaincu tout le monde,
et A Day In The Life a été interdite d'antenne
par plusieurs stations de radio dont la BBC. Etait-ce vraiment
nécessaire ? Personnellement, je ne le crois pas
mais vous pouvez vous faire votre propre idée sur la question
en lisant la traduction de
cette chanson.
Pourquoi j'aime ce disque
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band fait partie
de cette poignée de disques qui ont vraiment compté
dans l'histoire du rock. Pour la première fois l'enregistrement
d'une douzaine de morceaux avait duré 4 mois, soit une
moyenne d'une semaine par morceau. Pour la première fois
un groupe s'était creusé la tête pour obtenir
une pochette vraiment originale. Pour la première fois
un 33 tours avait coûté la bagatelle de 25.000 £
à une maison de disques. Le business de la musique était
en train de changer : les disques qui allaient suivre
seraient de vraies uvres d'art, dont la conception serait
longue et onéreuse.
Et le public ne s'y est pas trompé. Rien qu'en Grande
Bretagne, 100.000 copies de l'album ont été vendues
en une semaine et 500.000 en un mois. Du jamais vu... La scène
musicale était estomaquée. Jimi Hendrix, après
avoir écouté la chanson-titre, se mit immédiatement
au travail et en présenta sa propre version le soir même,
dans un club londonien. On raconte même que Brian Wilson,
le leader des Beach Boys, éclata en sanglots en écoutant
ce disque. Il pensait que son dernier album Pet
Sounds avait une bonne longueur d'avance sur ceux des autres
groupes, et il venait de réaliser que Paul McCartney l'avait
battu sur son propre terrain. De dépit, il se mit aussitôt
à travailler d'arrache-pied à Smiley Smile
pour essayer de reconquérir son titre perdu. Mais ceci
est une autre histoire...
Si la perfection n'est pas de ce monde, il faut quand-même
admettre que Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
n'en est pas loin. Les Beatles ont voulu ouvrir la Pop Music
au plus grand nombre, indépendamment de toute notion d'âge
ou de classe sociale. Sgt. Pepper est une sorte de comédie
humaine du vingtième siècle. Les musiciens du club
des curs solitaires du sergent Poivre ont observé
l'Angleterre de 1967 et l'ont chantée sous toutes ses
facettes. Pèle-mêle, on retrouvera dans ce disque :
- l'amitié (With A Little Help From
My Friends)
- les "voyages" (Lucy In The Sky
With Diamonds)
- la recherche d'une échappatoire à
la vie moderne et à son stress (Fixing A Hole)
- la crise des générations (She's
Leaving Home)
- la fête (Being For The Benefit Of
Mr. Kite)
- l'Inde et sa philosophie (Within You Without
You)
- les vieux couples (When I'm Sixty-Four)
- l'amour (Lovely Rita)
- la routine des jours qui se suivent et se ressemblent
(Good Morning Good Morning)
Il y en avait pour tout le monde, et presque tout le monde
s'y est reconnu. Aujourd'hui encore, ce disque doit être
un formidable réservoir à souvenirs pour ceux qui
ont eu la chance de le découvrir lors de sa sortie.
Sur le plan musical, les Beatles ont fait un bond énorme
depuis leur album précédent. Si Sgt. Pepper semble
si moderne plus de 30 ans après sa sortie, c'est parce
que chaque note qu'on y entend a été pensée
et longuement travaillée en studio. Bien sûr ce
ne sont jamais que des guitares, des claviers, une batterie,
des cuivres et quelques instruments indiens, mais on ne les avait
jamais entendus sonner aussi bien. La basse de Paul McCartney
est omniprésente et son jeu est plus complexe que jamais,
tout en glissandos et en changements de rythmes. Les claviers
ne sonnent pas tout à fait comme de vrais claviers :
le son du piano, de l'orgue et du clavecin nous parviennent comme
au travers d'une brume. Les guitares électriques sont
hyper-trafiquées. Certaines percussions sont vraiment
très étranges (probablement parce que les bandes
ont été relues à l'envers lors du mixage).
Pour finir, les instruments indiens et leurs vibrations sympathiques
finissent d'apporter une touche d'exotisme à l'ensemble.
Il s'agit donc d'un véritable album psychédélique,
dans lequel l'auditeur est constamment surpris par ce qu'il entend
(essayez de l'écouter au casque).
Mais voici justement le seul revers de la médaille.
Pour plaire à tout le monde, les Beatles ont réalisé
un album très sage, trop sage par rapport à son
prédécesseur. Il n'y a pas de folie ici, juste
beaucoup de talent et de professionnalisme. Ils ne sont plus
en colère contre personne, même contre leur percepteur,
et leurs provocations se limitent à quelques expressions
branchées placées ici et là dans leurs textes.
Donc, si le plus bel album des Beatles est indiscutablement Sgt.
Pepper's Lonely Hearts Club Band, mon préféré
restera toujours Revolver. Ce qui
ne m'empêche pas de connaître Sgt. Pepper par cur...
Pour la petite histoire...
- On raconte que, pendant l'enregistrement de
Getting Better, deux fans du groupe qui voulaient rencontrer
les Beatles se sont fait éconduire. Les fab-four ne voulaient
pas être dérangés en plein travail. Ces deux
fans n'étaient autres que... David Gilmour et Roger Waters
(du Pink Floyd).
- La sortie de Sgt. Pepper's fut précédée,
le 17 février 1967, par celle d'un 45 tours qui allait
lui aussi laisser des traces dans les mémoires : Strawberry
Fields Forever / Penny Lane. La face A est
de John Lennon, la face B de Paul McCartney, et on réalise
en les écoutant que les deux compositeurs travaillent
désormais dans des directions différentes. Le lien
entre les deux chansons est la nostalgie de l'enfance, car elles
ont toutes deux pour sujet des lieux que les deux Beatles ont
fréquentés lorsqu'ils étaient jeunes.
Ces deux chansons ont été enregistrées
en 105 heures au début des sessions de Sgt. Pepper's
, et elles auraient du figurer sur l'album. Mais la maison de
disques des Beatles aux USA avait besoin rapidement d'un nouveau
single, ce qui a précipité leur sortie.
Strawberry Fields Forever
La face A du single est une des chansons les plus expérimentales
que les Beatles aient jamais composées. Il s'agit d'un
patchwork de sons dont le sujet est un orphelinat situé
à quelques minutes de la maison dans laquelle John habitait
lorsqu'il était enfant, et qui était entourée
d'un vaste parc dans lequel il aimait jouer et se promener. Il
existe en fait deux versions de la chanson : une en
SI et une autre, sur laquelle on peut entendre des cuivres, en
DO. Mais elles étaient toutes deux excellentes et John
n'arrivait pas à se décider en faveur de l'une
ou de l'autre. Georges Martin réussit alors le tour de
force de créer un mix des deux versions, et pour leur
donner la même tonalité il ralentit l'une d'entre
elles et accéléra l'autre, ce qui donna au morceau
ce son "brillant" si particulier.
John, à l'instar du gamin qui aimait s'isoler dans
le parc de Strawberry Field (au singulier), se trouve
bien seul "dans son arbre" : personne ne
semble le comprendre.
Penny Lane
La face B est une chanson Pop plus habituelle. Elle parle
d'un quartier de Liverpool que John et Paul fréquentaient,
et de ses habitants parfois si pittoresques. On est donc à
fond dans la nostalgie d'une enfance heureuse. Lorsque Paul a
enregistré cette chanson, il écoutait le Concerto
brandebourgeois de Bach et il a trouvé que c'était
une bonne idée d'y incorporer un solo de trompette baroque.
Pour moi, ce morceau est important dans la mesure où
il m'a fait découvrir la musique des Beatles, et par conséquent
toutes les autres musiques qui ont ensuite suivi, le jour de
1974 où ma prof d'Anglais est arrivée avec un électrophone
et nous a fait écouter Penny Lane au lieu de nous
faire étudier le chapitre suivant du manuel. Je me rappelle
que j'avais écrit sur mon cahier que la chanson était
de John Lemon et Paul McCartney. Pauvre
John Citron...
- Le volume 2 de l'anthologie Beatles
contient plusieurs versions alternatives ou maquettes des morceaux
enregistrés durant les sessions de Sgt. Pepper. En les
écoutant, on comprend mieux comment les Beatles ont fabriqué
cet album, comment ils ont obtenu le climat de chaque chanson.
Chaque morceau est en fait un collage de nombreuses pistes, et
les bandes "brutes" de l'anthologie nous permettent
d'entendre nettement des sons qui seront par la suite noyés
dans la masse mais qui reviendront à un niveau presque
subliminal dans la version définitive de l'album.
Strawberry Fields Forever
L'anthologie contient un montage qui commence par une simple
maquette sur laquelle John chante en s'accompagnant à
la guitare acoustique. Puis au fur et à mesure de l'avancement
du travail de studio arrivent les nombreux instruments qui donneront
sa couleur finale au morceau. Il ne manque plus que la guitare
solo de George pour obtenir la version que nous connaissons.
Penny Lane
Cette version est déjà bien élaborée
et proche de la version que nous connaissons. Par contre, les
churs ne sont pas encore enregistrés et le pont
musical au milieu du morceau est un peu surprenant.
A Day In The Life
Sur cette maquette, composée de plusieurs prises différentes,
le son des instruments n'est pas encore trafiqué. Les
voix, la guitare acoustique de John et le piano de Paul sont
superbement enregistrés. On entend Mal Evans compter les
mesures pour que Paul se mette à chanter pile à
l'instant voulu. La montée de violons, "brute de
fonderie", est magnifique.
Good Morning Good Morning
Cette version est surtout intéressante pour la partie
de guitare rythmique et la pêche de Ringo à la batterie.
Being For The Benefit Of Mr. Kite
L'anthologie contient les 2 premières prises de la
chanson, dans lesquelles les Beatles s'arrêtent au bout
de quelques secondes, et une version beaucoup plus aboutie dans
laquelle le son de chacun des orgues est encore très audible.
En les fusionnant au mixage, les Beatles obtiendront le climat
de fête foraine psychédélique qui caractérise
le morceau.
Lucy In The Sky With Diamonds
Sur cette version, presque définitive, apparaît
nettement une guitare rythmique et un piano qu'on entend beaucoup
moins dans le mix final. Les interventions de George au sitar
sont mises en valeur.
Within You Without You
L'anthologie Beatles contient une version instrumentale
(sans la voix de George) de Within You Without You, qui
permet de se rendre compte de la maîtrise qu'il avait des
instruments traditionnels indiens. On est à des années-lumières
des autres musiciens de l'époque qui n'utilisaient le
sitar que pour donner une certaine couleur exotique à
leur Pop music.
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (reprise)
Il s'agit d'une version quasiment live de la chanson. Les
guitares sont à fond, c'est du rock sans fioritures, et
on pense à la version enregistrée par les Inmates
le 20 juin 1987 à la Villette (album Meet the Beatles).
Etait-il bien nécessaire de "l'adoucir" au mixage ?
Liens
http://www.iamthebeatles.com/
Un des nombreux sites consacrée aux Beatles, mais celui-ci
est vraiment génial.
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