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Chronologie
Chips From the Chocolate Fireball est paru en 1987.
Il s'agit d'une intégrale des Dukes of Stratosphear.
La courte carrière des Dukes of Stratosphear fut en
fait un intermède dans celle de XTC. En 1985, à
l'instar de David Bowie qui s'était transformé
en Ziggy Stardust au début des seventies, Andy Partridge
et ses acolytes s'éclipsent pour laisser temporairement
la place à leurs alter egos Sir John Johns, The
Red Curtain, Lord Cornelius Plum et E.I.E.I Owen.
Le premier disque des Dukes, un EP intitulé 25 O'Clock,
parait en avril 1985. Il sera suivi en août 1987 par le
LP Psonic Psunspot, puis quelques semaines plus tard par
Chips From the Chocolate Fireball qui regroupera, sur
un seul CD, les morceaux des deux 33 tours.
25 O'Clock (1985)
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25 O'clock |
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Bike Ride to the Moon |
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My Love Explodes |
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What in the World?... |
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Your Gold Dress |
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The Mole from the Ministry |
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Le disque en quelques morceaux
25 O'Clock
Mais que se passe-t-il ? On dirait que toutes les horloges
sont devenues folles : elles viennent de sonner 25
fois... En guise de préambule, et pour entrer rapidement
dans le vif du sujet, voici les quelques lignes qui figuraient
au verso du EP original de 1985 :
Les DUKES disent qu'il est temps...
Qu'il est temps de visiter la planète sourire...
Qu'il est temps de larguer la bombe amour
Qu'il est temps de manger de la musique...
Qu'il est temps d'embrasser le soleil...
Qu'il est temps de se noyer dans un SONGASME et qu'il est temps
de danser au travers du miroir.
Les DUKES déclarent qu'il est 25 HEURES.
Donc, puisque les Dukes ont décidé nous faire
manger de la musique, mettons-nous vite à table !
Quelques mesures de ce premier morceau suffisent à nous
faire perdre tous nos repères. Sommes-nous vraiment en
train d'écouter un disque de 1985 ; ne s'agit-il
pas plutôt d'une bonne vieille cuvée 1967 ?
L'inspiration, le son des instruments, les paroles complètement
allumées : tout tend à nous amener au
cur des swinging sixties. Cet orgue halluciné, cette
guitare et ces effets stéréophoniques tournants
sont ceux qui hantaient les premiers titres du Pink Floyd.
What in the World?...
Prenez la basse de Paul McCartney sur Sgt
Pepper (Beatles), la trompette qui enlumine So you want
to be a Rock and Roll star sur Younger
than yesterday (Byrds), ajoutez les bruitages électroniques
et les churs de Between
The Buttons (Rolling Stones), saupoudrez le tout de quelques
notes de sitar et des gammes indiennes qu'affectionnaient tant
George Harisson et vous obtenez What in the World?...
Cette fois, les Dukes nous embarquent vers des néo-sixties.
En 2032, que se passe-t-il dans le monde ? On dirait que
tout fout le camp : les femmes manifestent contre la guerre,
les hommes préfèrent rester à la maison
et plus personne ne se lève dans le bus pour laisser sa
place aux personnes âgées. Qui a dit « On
a déjà vu ça quelque-part ! » ?
En tout cas, What in the World?... sonne plus sixties
que bien des titres enregistrés durant les années
soixante.
The Mole from the Ministry
Dans le jardin, les oiseaux gazouillent paisiblement. Mais
ne vous fiez pas pour autant aux apparences : elle arrive !
Qui ? La taupe du ministère, celle qui va transformer
ce beau gazon en montagnes russes, celle qui ruine à la
fois les jardins et les esprits, celle contre laquelle nous sommes
impuissants. Alors, inclinons-nous bien bas sur son passage.
Accompagnés par un piano au son complètement
trafiqué qui raconte mieux qu'un livre ce qu'était
le psychédélisme à l'anglaise, sur un refrain
entraînant qui fait de cette chanson une perle de la Pop
made in UK, les Dukes se lancent dans un texte surréaliste
duquel je ne peux résister au plaisir d'extraire cette
pensée profonde :
Après trois jours, le poisson et les visiteurs sentent.
Psonic Psunspot (1987)
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Vanishing Girl |
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Have You Seen Jackie? |
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Little Lighthouse |
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You're a Good Man Albert Brown (Curse You Red Barrel) |
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Collideascope |
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You're My Drúg |
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Shiny Cage |
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Brainiacs Daughter |
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The Affiliated |
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Pale and Precious |
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Le disque en quelques morceaux
You're a Good Man Albert Brown (Curse You Red Barrel)
Quelques fausses notes sur un piano et les Dukes nous racontent,
dans la grande tradition des Kinks, l'histoire d'Albert Brown :
Tu es un gars bien, Albert Brown
Et tu as été blessé à la guerre
Et même si tu y as tué quelques personnes
Tu es quand-même un gars bien, Albert Brown
Même si tu es ivre-mort sur le sol
La chanson de pub se termine au milieu des coups de feu, des
sonneries de clairon et bien sûr... dans l'hilarité
générale.
Shiny Cage
Les Dukes ont dû beaucoup écouter les Beatles
car Shiny Cage fait irrésistiblement penser à
l'm only sleeping des fab-four. Quant aux paroles...
Des visages cachés qui tournent des pages
Ils lisent et lisent encore
Des bus à étage pleins de fumeurs
Regardez lequel va piquer du nez
On reprend les choses là où les Beatles les
avaient laissées au beau milieu de A
day in the life vingt ans plus tôt, sur Sgt.
Pepper. Il serait bien étonnant que le Paul McCartney
de 1967 ne soit pas assis sur la plate-forme d'un de ces bus
à étage, en train d'en griller une. Shiny Cage
évoque des images d'une époque révolue :
une époque où des jeunes filles en mini-jupes et
bottes Courrèges regardaient des double deckers rouges
passer dans Carnaby Street.
Encore la nostalgie du Swinging London... Mais la chanson
n'a-t-elle pas été écrite dans ce but ?
Brainiacs Daughter
Malgré des glouglous qui nous remettent en mémoire
un certain sous-marin jaune, Brainiacs Daughter sonne
comme un vrai morceau d'XTC. C'est comme si, durant quelques
minutes, le Dr Jekyll / Andy Partridge avait réussi
à échapper à l'emprise de Mr Hyde /
Sir John Johns. Mais comme la musique d'XTC est gorgée
d'influences sixties, Brainiacs Daughter est tout à
fait à sa place ici.
Le Brainiac en question est un personnage de bandes dessinées,
ennemi de Superman, et dans cette chanson les Dukes lui ont imaginé
une fille.
Pale and Precious
Psonic Psunspot se termine en beauté par un
morceau de bravoure. Les Dukes s'inspirent de cette merveille
qu'est Wouldn't It Be Nice des Beach Boys (qui figure
sur l'album Pet Sounds).
Pas facile de s'attaquer aux compositions de Brian Wilson
de 1966, alors au sommet de son art, mais ça ne les arrête
pas. Le son alambiqué des claviers, les percussions cristallines
et même les extraordinaires harmonies vocales des garçons
de la plage n'ont visiblement aucun secret pour eux. On reste
scié par les dernières mesures de la chanson tant
on a l'impression d'écouter les vrais.
Pourquoi j'aime ces deux disques
Je dois avouer que lorsque 25 O'Clock est paru,
je ne connaissais pas grand-chose à la musique psychédélique.
Comme beaucoup de jeunes de mon âge, j'avais Revolver,
Sgt Pepper, Between
The Buttons et Satanic Majesties Request dans ma discothèque.
Mais il s'agissait pour moi de grands albums des Beatles et des
Stones, et non pas d'albums psychédéliques. A la
première écoute, 25 O'Clock m'a tout d'abord
mis une grande claque, puis les Dukes ont pris en main mon éducation
musicale. Comme par hasard, quelques semaines plus tard je passai
devant une petite boutique de disquaire que je n'avais jamais
remarquée auparavant et, en fouillant dans les bacs, je
dénichai After Bathing At Baxter's du Jefferson
Airplane qui devint durant des semaines mon disque de chevet.
Dans 25 O'Clock, plus qu'un message à faire
passer, c'était un véritable cri que les Dukes
poussaient :
Nous aussi, on peut le faire !
Et oui, il y a gros à parier que s'ils étaient
nés plus tôt ils auraient contribué à
inventer cette Pop Music psychédélique
qu'ils aiment tant. En les faisant naître trop tard, le
destin leur a joué un sale tour. Mais un jour, ils ont
enfin réussi à traverser le miroir et ils ont pu
balancer tout ce qu'ils gardaient en eux.
Pour commencer, la pochette de 25 O'Clock est
un vrai régal. Méli-mélo de choses diverses
et variées, on pense obligatoirement à celle de
Disraeli Gears de Cream lorsqu'on
la regarde. Big Ben, un éléphant, des dromadaires,
une girafe, des palmiers, un homme-montre et une avalanche de
badges : c'est un véritable capharnaüm dont
vous trouverez quelques éléments dans cette page.
Elle ne figure pas dans le livret de Chips From the Chocolate
Fireball, mais que pourrait bien donner une telle pochette
réduite au format d'un CD ? Donc, même si le
son du CD est excellent, les vrais fans se doivent de dénicher
le 33 tours original. Je me souviens de l'air perplexe de mon
disquaire devant cette pochette, le soir où je suis passé
chercher ce disque que je lui avais commandé :
- Les Dukes of Stra-to... C'est quoi ?
- En fait, c'est le nouvel album de XTC.
- Ah ! Et c'est quoi, XTC ?
Et puis il y a la musique. 25 O'Clock, est un
disque expérimental dans lequel les Dukes ont su recréer
le son d'une époque. Les influences y sont évidentes :
Pink Floyd, Beatles, Stones et elles sont toutes millésimées
1967, mais il s'agit malgré tout de compositions originales.
Passons maintenant à Psonic Psunspot .L'extérieur
de la pochette ressemble, lui, à une version space des
gravures qui illustraient les romans de Jules Verne que je dévorais
lorsque j'étais gamin. L'intérieur contient une
photo des Dukes sur fond de taches multicolores (comme au bon
vieux temps des light-shows au Fillmore West), avec effet de
symétrie et tout et tout...
Avec Psonic Psunspot, on a l'impression que les Dukes
ont continué à remonter le temps car ce second
33 tours ne privilégie plus le son de 1967 mais les pop
songs qu'on composait en 1966, lorsque la musique Anglaise commençait
à peine à se teinter de psychédélisme.
Le résultat est un hommage aux disques et aux groupes-clés
de cette année magique : Revolver
(Beatles), Pet Sounds (Beach Boys),
Face to Face (Kinks). Les Dukes ont tout ingurgité,
tout compris et tout restitué, y compris la "patte"
des artistes originaux.
Alors, même s'il ne remplaceront jamais ces albums
mythiques, je trouve que 25 O'Clock et Psonic Psunspot
sont des disques importants, et je dois avouer que c'est avec
plaisir que je les ai récemment retrouvés en CD :
- Ils m'ont donné envie, dans les années
quatre-vingt, d'en savoir plus sur la musique psychédélique
britannique et américaine.
- Ils ont permis à XTC d'assumer pleinement
ces influences psychédéliques qu'on sentait déjà
poindre dans The big express et Skylarking.
Après Psonic Psunspot, rien ne sera plus pareil.
Les Dukes retourneront dans les limbes mais leur musique sera
désormais omniprésente sur tous les albums du groupe.
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