Des images de cartes postales, de belles journées ensoleillées, des nuits fraîches en été, de la neige en hiver : bien sûr, on peut trouver tout ça à Bichereau. Mais on peut aussi y trouver de la pluie, du brouillard, de la grêle, l'Orvanne qui sort de son lit, une canicule à ne pas mettre le nez dehors en juin, des températures hivernales de -7°C en février. Alors, je vous propose de voir ce qu'est vraiment une année à Bichereau, ce que sont douze mois vécus au rythme des saisons. Ca vous tente ? Dans ce cas, venez faire un tour sur la roue de l'année. Cette roue là, personne ne l'empêchera de tourner... d'autant plus que derrière ce petit reportage vous pourrez peut-être découvrir une autre approche du temps qui passe et, pourquoi pas, une autre approche de la vie en général. ![]() La roue de l'année : une autre façon de percevoir le temps qui passeDans la vie, je pense que rien ne se produit par hasard. L'existence est une suite ininterrompue d'événements s'enchaînant les uns aux autres. La conséquence de tel événement servira de cause à tel autre, et ainsi de suite. Cette page ainsi que le site qui l'héberge n'existeraient pas, et ma vie serait totalement différente, s'il n'y avait pas eu ce jour de septembre 1990. ![]() Vivre à la campagne ?Fin septembre 1990 : je viens de changer de job, et je me dis qu'il est temps pour moi de devenir propriétaire. Mais, pour être honnête, je ne suis pas très enchanté à l'idée de troquer le cube de béton dans lequel j'habite contre un autre cube de béton. Néanmoins, en en parlant avec mes parents, une idée lumineuse finit par jaillir de la discussion :
Cette idée me plaît, et je décide de m'en occuper rapidement. Dès le samedi suivant, j'ai rendez-vous dans une agence immobilière. Après deux visites infructueuses, le 28 septembre 1990 je visite une petite fermette inoccupée depuis plusieurs années. Dans un premier temps je ne lui trouve rien d'extraordinaire. On peut même dire qu'elle est en piteux état. Mais, lorsque l'agent immobilier ouvre les volets vermoulus de ce qui sera plus tard la salle à manger, je découvre deux chevaux qui, de l'autre côté de la rue, tendent le cou par dessus la clôture de leur pré pour essayer de voir ce qui se passe. C'est le détail qui fait tout basculer. Quoi qu'il arrive, c'est ICI et pas ailleurs que je veux poser mes valises. Sans réfléchir, je me jette à l'eau et je dis à l'agent, visiblement un peu étonnée par une telle précipitation :
Le temps de rédiger la promesse de vente, d'obtenir un crédit, et le 9 mars 1991 j'ai rendez chez le notaire pour la signature de l'acte de vente. Les trois années suivantes sont consacrées aux travaux. Tout est à refaire dans cette vieille maison, et nous refaisons donc tout sauf le toit, qui sera confié un peu plus tard à un professionnel de la couverture. Le 2 juillet 1994 arrive enfin le grand jour : celui du déménagement. Ce soir-là, en montant me coucher pour la première fois, je repense aux paroles d'un vieux du village :
Ma première nuit à la campagne ? Une nuit blanche... Pas un seul bruit entre 22 heures et 6 heures le lendemain matin.. Le mur de ma précédente chambre à coucher, en ville, était aussi celui de la cage d'escalier. Je m'étais amusé un soir à chronométrer la fréquence des claquements de portes : un bruit toutes les 30 secondes. Evidemment, ici ce n'est pas du tout pareil et il me faudra m'y habituer. Heureusement, on se fait très vite au calme, et depuis ce jour il n'y a plus eu aucune nuit blanche. ![]() Premières impressionsJe viens de déménager, tout est en place pour que la roue de l'année se manifeste sans plus tarder. En décembre 1994, je prends des congés pour les fêtes de fin d'année. Durant ces quelques jours, il se produit quelque chose de nouveau. Bizarrement, bien que n'étant pas spécialement fatigué j'ai envie de ne rien faire. Je ne parle pas simplement de me reposer, mais le fait même de sortir de mon lit me semble totalement inutile et me demande des efforts de motivation inouïs. Si je m'écoutais, je ferais une flambée dans la cheminée, je me roulerais en boule comme un chat et j'attendrais sans bouger le retour des beaux jours. En un mot, j'ai envie d'hiberner. Pas très productif tout ça, mais quelles super vacances ! En mars 1995, il se produit à nouveau quelque chose d'imprévu. La veille encore, j'étais vidé et je ne pensais plus qu'aux prochaines vacances, et voilà que je me retrouve du jour au lendemain avec une pêche d'enfer. Brusquement, j'ai l'impression que si je le souhaitais je pourrais déplacer des montagnes. Je suis aussi joyeux que ces oiseaux qui font tant de raffut dans les arbres. Des oiseaux ? Et oui, nous sommes au printemps. Pourtant, pour moi jusqu'à présent le printemps n'était qu'une ligne écrite en caractères gras sur un calendrier, un jour tout à fait comme les autres. En septembre 1995, mois durant lequel j'ai l'habitude de prendre des congés chaque année, ça continue. Pour la première fois de ma vie, je passe toutes mes journées dehors. Je n'ai qu'une envie : partir faire de longues balades dans les bois pour profiter des derniers rayons du soleil. Le soir, après dîner, je repars même dans les bois pour regarder le soleil se coucher. Un jour, je me surprends à entrer dans un magasin de sport pour acheter un coupe-vent et des chaussures dignes de ce nom. Pourtant, que ce soit pendant les vacances scolaires lorsque j'allais à l'école ou bien plus tard, mon loisir préféré a toujours consisté à ne rien faire, et surtout pas à crapahuter dans les fourrés et les buissons épineux. Etonnantes, ces nouvelles envies qui sont brusquement apparues sans prévenir, mais loin d'être désagréables. Et depuis mon déménagement, elles se répètent régulièrement chaque année, exactement à la même époque. Je peux sentir l'approche du solstice d'hiver et des équinoxes sans même regarder le calendrier. Et le solstice d'été, me direz-vous ? Curieusement, il s'agit de l'exception qui confirme la règle. En fait, pendant des siècles le solstice d'été a correspondu à la période la plus active de l'année. C'était l'époque durant laquelle, tout comme le soleil, les gens se levaient très tôt et se couchaient très tard. Malheureusement, il s'agit aujourd'hui d'un rythme de vie normal, celui que nous adoptons tous d'un bout de l'année à l'autre, et il n'y a donc plus rien d'extraordinaire à être actif du matin au soir. Pourquoi ces envies se produisent-elles quasiment à date fixe, pourquoi sont-elles si fortes ? Le temps qui passe est-il une roue qui tourne, et qui amène des moments et des sensations identiques à chacun de ses tours ? Peut-on en conclure que, quand on vit à la campagne, le cycle des saisons contrôle non seulement les plantes et les animaux, mais aussi les être humains ? Pourquoi pas, après tout... Tout ça n'est peut-être qu'une question de points de repère. ![]() Une question de points de repèreUn peu de brain storming pour commencer... Comment mesure-t-on le temps qui passe ? Avec une pendule s'il ne s'agit que de quelques heures, mais qu'en est-il des périodes plus longues ? Et bien, on se réfère à des points de repère, à des informations représentatives de leur époque. Un exemple : lorsqu'on souhaite apprécier le temps qui s'est écoulé depuis les années soixante, on écoute un vieux disque, on ressort des vieilles fringues de ses placards ou bien on se replonge dans un vieil album de photos. Aujourd'hui, on est en permanence submergé par des phénomènes de mode plus ou moins rapidement obsolètes. Personnalités, idées, valeurs : plus rien n'est durable. On sait bien que ce qu'on a vu ou entendu hier est déjà dépassé, et que ce qu'on est en train de voir ou d'entendre aujourd'hui le sera bientôt par qu'on verra ou ce qu'on entendra demain. Et c'est avec ça qu'on va évaluer le temps qui passe... Prenons un exemple concret et apparemment anodin : la photographie d'une rue. Qu'y voit-on ? Des automobiles, des autobus, des passants, des affiches placardées aux murs. Si cette photographie avait été prise un an plus tôt ou un an plus tard, elle aurait été différente. Toutes les informations qu'elle contient : les automobiles, la mode vestimentaire, les affiches permettent de la dater avec précision, de la situer dans le temps. Comparons cette première photographie à celle d'un verger en fleur. On ne peut la dater avec exactitude : elle pourrait avoir été prise au printemps dernier, il y a un an ou il y a cinq an. Le seul indice, le seul point de repère dont on dispose sur cette seconde photographie, est qu'elle a été prise au printemps. Mais il y a un printemps chaque année. Il y aurait donc deux approches différentes du temps qui passe :
Oublions un instant tous nos modernes points de repères, et que reste-t-il ? Seulement la roue de l'année. ![]() Rien de nouveau sous le soleilJ'en étais là de mes réflexions, lorsqu'un jour je tombe sur un site web dans lequel je découvre que "mon" approche n'est ni révolutionnaire ni même nouvelle. Des millions de gens l'ont adoptée à toutes les époques, et sur tous les continents. Durant des siècles et des siècles, lorsqu'elle était essentiellement rurale, l'humanité a eu une approche cyclique du temps qui passe. Mais à partir de la révolution industrielle, et probablement à cause de l'urbanisation à outrance qu'elle a engendrée, elle a adopté une nouvelle approche linéaire. Coupés de la nature, n'ayant plus la notion de saison qu'à travers les pages des calendriers, les gens se sont mis à mesurer le temps qui passe à l'aide de ce qu'ils pouvaient observer autour d'eux. Comme ce qu'ils pouvaient observer autour d'eux changeait sans cesse, ils ont oublié la notion de cycle puis ont opté pour l'approche linéaire que nous utilisons encore aujourd'hui. Pourtant, considérer le temps qui passe de façon linéaire, avec des points de repère tels que hier, aujourd'hui et demain, c'est partir perdant dans la vie. C'est toujours la même histoire : hier nous étions jeunes, insouciants, et tout était merveilleux. Aujourd'hui nous n'avons plus le temps de nous amuser, parce que nous sommes des adultes et que nous avons des responsabilités. Et demain ? Boum ! Si on n'a que cette vision de l'existence, il n'y a pas de quoi pavoiser. Mais après tout, rien ne nous oblige à jouer à ce jeu stupide dont on nous a imposé la règle. Rien ne nous empêche de revenir aux anciens points de repère, à la roue de l'année et à cette bonne vieille approche cyclique. Celui qui suit l'approche linéaire est comme un conducteur sur une autoroute. Il n'a conscience du chemin parcouru que grâce aux panneaux qu'il croise sur son chemin. Ces panneaux indiquent "baccalauréat", "premier emploi", "mariage" : autant d'incitations à foncer, à appuyer sur le champignon. C'est qu'ils défilent si vite... Celui qui suit l'approche cyclique est comme un pilote sur un circuit. Il a conscience de passer régulièrement devant les tribunes, mais entre chaque passage rien ne semble changer. Comme le disait George Harrison dans une interview diffusée peu de temps après son décès :
Il reste encore une chose à définir. Comment peut-on "compter les tours" de circuit qu'on parcoure dans la vie, quel est le point de repère qui nous indique les tribunes ? En fait, nos ancêtres ont tout prévu. Ils ont semé des petits cailloux blancs sur leur chemin (qui est devenu depuis le nôtre) : il s'agit de certains jours un peu particuliers, les jours de fête. ![]() Les jours de fêteDès qu'on commence à s'intéresser aux civilisations anciennes on est très vite confronté à des faits troublants. Alors qu'on pourrait penser que chacune possédait son propre système de fêtes, on leur découvre en fait de nombreux points communs. Bien sûr, d'une civilisation à l'autre ces fêtes portaient des noms différents, étaient parfois décalées de quelques jours, la mythologie et les personnages qui y étaient associés étaient spécifiques à une certaine culture, mais le fond du problème était toujours le même : faire en sorte que chacun de ces jours soit une "piqûre de rappel", et que chaque individu prenne conscience du temps qui passe et vive au même rythme que les autres. Et ce rythme était partout le même : accélération et joie à l'équinoxe de printemps, pointe de vitesse et suractivité au solstice d'été, ralentissement et nostalgie à l'équinoxe d'automne, freinage et repos au solstice d'hiver. Lorsque le jour du solstice d'hiver un homme préhistorique regardait le soleil se lever dans l'alignement d'une pierre levée, lorsqu'un Celte fêtait Yule le 21 décembre, lorsqu'un Perse célébrait l'anniversaire de Mithra le même jour, lorsqu'un Grec de l'antiquité célébrait l'Épiphanie de Dionysos le 6 janvier, lorsqu'un Egyptien célébrait celle d'Osiris exactement à la même date, était-il différent de vous ou de moi lorsque nous fêtons Noël en famille le 24 décembre ? Probablement pas... Consciemment ou non, il fêtait le retour de la lumière après le passage du solstice d'hiver, et au fond de lui il était heureux et se sentait bien dans sa peau. Sous nos latitudes, dans une Europe influencée par les cultures Celte et Nordique, ces jours de fêtes étaient au nombre de huit et répartis régulièrement tout au long de l'année:
Comme vous pouvez le constater sur ce tableau, on retrouve ici les quatre fêtes solaires (solstices et équinoxes) marquant les saisons ainsi que quatre fêtes "intermédiaires". La plupart possèdent encore une correspondance aujourd'hui. Même si elles ont été plus ou moins "relookées" au moyen-âge, et même si nous avons depuis longtemps oublié les origines des coutumes qui s'y rapportent, elles font encore partie de notre vie quotidienne. Chaque cycle était découpé en deux parties distinctes : une partie "physique" commençant à Ostara, et une partie plus "spirituelle" commençant à Mabon. Cette seconde partie correspondait à l'époque des veillées. De tous temps, ces fameuses envies dont j'ai parlé plus haut étaient donc non seulement connues, mais aussi explicitées au travers de traditions et associées à des jours de fêtes. ![]() Pourquoi faut-il suivre la roue de l'année ?Bonne question... Qu'a-t-on à gagner à remplacer nos modernes points de repères par ces jours de fêtes ? Un peu de tranquillité
Moins de stress
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